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L’étonnante histoire de l’affectation de 150 chênes à merrains concédée par François Ier à la ville de Gaillac (Tarn)

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<p>Au bord du Tarn, loin de la Grésigne, la ville de Gaillac en est séparée par un pays fort vallonné. (Fond : carte de 1771, coll. part.)</p>

Enrichie par le vin et le pastel grâce au commerce sur le Tarn (1), la ville de Gaillac eut la possibilité offerte par François Ier « de pouvoir prendre cent cinquante arbres de chêne bons à faire merrains en la forêt de la Grésigne ainsi qu’il est demandé par lettres patentes du roi du vingt deuxième février 1520 » écrivait Jean Bardon, le commissaire réformateur qui, envoyé par ce roi, visita la forêt en1542.

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<p>Au bord du Tarn, loin de la Grésigne, la ville de Gaillac en est séparée par un pays fort vallonné. (Fond : carte de 1771, coll. part.)</p>
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Cette bienveillance si originale, unique dans l’histoire, paraît très avantageuse, pourtant, elle aura déjà disparu quand le commissaire réformateur suivant, Louis de Froidour, mènera sa réformation en 1666. Aujourd’hui, la ville de Gaillac est toujours fière d’avoir pu bénéficier de la faveur royale connue sous le nom mystérieux de « droit de gaudence », terme qui apparait encore sur son site. Ses riches archives, celles des départements de la Haute-Garonne et du Tarn (2) et un ouvrage de Froidour permettent aujourd’hui de comprendre et de suivre l’histoire de ce droit. Dès le XVIe siècle, les besoins annuels de Gaillac étaient de plusieurs milliers de merrains formant tonneaux et barriques ; en 1778, la ville rappelait que son « unique ressource consiste dans ses vins propres au transport pour le Nord et pour les îles françaises de l’Amérique ».

Une enquête commodo et incommodo en 1501, un cadeau royal en 1520

Bien avant 1501, Gaillac avait des habitudes et même des prétentions sur les chênes de Grésigne. En effet, dans sa lettre de 1520, le roi écrivait que déjà « avaient les manants et habitants de Gaillac accoutumé prendre quelque nombre et quantité d’arbres dans notre forêt de la Grésigne et de ce auraient joui de tout temps jusques à puis naguère qu’ils avaient été troublés et empêchés par vous ou votre lieutenant ». Ce « vous ou votre lieutenant » s’applique au maître des Eaux et Forêts qui exerça cette fonction d’octobre 1499 à fin 1520. Ce dernier avait dû juger que la coutume exercée devait dépasser les règles d’une bonne gestion de la ressource et avait tenté d’y mettre de l’ordre.

En 1501, les consuls de Gaillac demandèrent alors au maître des Eaux et Forêts que le roi – alors Louis XII – leur fasse don d’arbres « pour faire les pipes, barriques et autres vaisseaux (3) à mettre leurs vins ». Ce que le roi n’eut pas « lors voulu faire » tout en demandant « combien ils avaient accoutumé d’en avoir et autres qu’est ce sur la commodité ou incommodité que ès notre domaine et la chose publique du pays ». Ainsi lancée, l’enquête commodo et incommodo est menée et l’avis en résultant « renvoyé par devers nous, ensemble l’avis de vous et de votre lieutenant et des juges mages de Toulouse, d’Albigeois et de notre procureur ».

Après avis de son « Grand Conseil, désirant faveur aux suppliants, de notre certaine science, grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale », ce n’est qu’en 1520 que le roi, alors François Ier, permet et organise sa libéralité, nous verrons comment dans quelques lignes. L’un des motifs de ce don est fort trivial, le roi reconnaissant que les Gaillacois, ainsi aidés, pourront « faire argent pour contribuer à leur quote-part et portion de nos tailles et autres subsides » !

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<p>« François, par la grâce de Dieu, roi de France, au maître de nos eaux et forêts en notre pays de Languedoc ou son lieutenant, salut. Comme nos chers et bien aimés les manants et habitants de Gaillac nous eussent despieça [4] présenté leur requête contenant comme le pays et territoire dudit Gaillac est, pour le présent, planté en vignes esquelles donnent beaucoup de bon vin qui est tout ce dont lesdits manants et habitants peuvent faire argent pour contribuer à leur quote-part et portion de nos tailles et autres subsides. […] »</p><p></p><p>Début des lettres patentes du 22 février 1520 par lesquelles François Ier affecte annuellement 150 chênes de Grésigne à Gaillac pour la construction de tonneaux. (Source : Arch. dép. Tarn, 1 J 103/1)</p>
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Lors de l’enquête de 1501, avaient été proposées des règles encadrant fortement la délivrance limitée à 150 chênes. Elles voulaient en restreindre les effets et sur l’état de la forêt et sur celle des finances royales. François Ier ordonne au maître des Eaux et Forêts du Languedoc (5) « d’avoir à ce que vous faites, par chacun an, marquer de votre marque et martel (6) duquel vous usez en votredit office le nombre et quantité de cent cinquante pieds d’arbres secs par la tête, en montagne, vallées et lieux moins dommageables » ; ce texte est celui-ci-après.

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<p>Début des instructions de François Ier pour que soient délivrés annuellement 150 chênes à Gaillac. (Source : Arch. dép. Tarn, 1 J 103/1)</p>
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Le processus imaginé pour que les finances royales ne soient pas lésées est disons, original et, il faut l’avouer, quelque peu « tordu ». Comme si de rien n’était, les 150 chênes devaient être vendus aux enchères au « plus offrant et dernier enchérisseur et le prix qui en sera fait, recevoir par notre trésorier de Toulouse, comme il est accoutumé de faire ». Puis, et c’est là que réside toute la spécificité du processus, « lesdits arbres ainsi achetés être baillés et délivrés aux manants et habitants de Gaillac pour faire leurs pipes, barriques et autres vaisseaux à eux nécessaires pour leurs vins et non à autre ». Gaillac a en fait obtenu un droit exclusif, un devoir plutôt, de préemption. En 1668, Froidour parlera d’une « coupe par pieds d’arbres vendus au profit du roi mais de telle sorte que l’adjudication par préférence en est faite aux habitants ».

L’acheteur de la coupe en est l’exploitant qui, toujours selon la lettre patente de 1520, « sera tenu faire couper iceux arbres depuis les avents de Noël jusque à la fin du mois de février, et d’en porter de ladite forêt les rouls, tronces desdits arbres ou le merrain qui en sera fait (7) dedans la fin du mois d’avril ». Enfin, il était bien précisé que seuls les troncs faisaient partie de cette délivrance à Gaillac : « La dépouille et ramée desdits arbres demeureront en ladite forêt » pour le chauffage des habitants disposant d’un droit d’usage en Grésigne. Il a été estimé qu’en 1542, les 3 500 ha de la Grésigne étaient soumis à la pression de 9 100 usagers (8) !

Quant aux Gaillacois, ils ont obligation de protéger l’endroit où avait eu lieu la coupe, dans cette Grésigne très pâturée, ayant « la charge de la clore ou fermer de palhis (9) ou fossés en manière que les taillis et renain (renaissance, semis) se puissent servir au bien, profit et utilité de nous et de la chose publique ». Cette clôture physique pour empêcher les animaux de venir brouter les rejets ou les semis des arbres coupés avait été rendue obligatoire par l’ordonnance du 21 mars 1517 : « Les ventes, les marchands seront tenus clore après le temps de la vidange ».

Affectation

Cette forme de délivrance d’une quantité fixe de produits d’une forêt ne couvrant pas les besoins d’une population agricole – ce qui est le cas du droit d’usage sensu stricto –, faite en vue de la création d’une industrie est celle prévue, fut appelé « affectation » dans les articles 57 à 60 du code forestier de 1827. Ce qui a été concédé à Gaillac est bien une affectation même si ce nom n’était pas encore inventé ; elle est originale par son objectif, la construction de tonneaux, la quasi-totalité d’entre elles furent, plus tard, réalisées pour une forge ou une verrerie*. Très proches sur le plan juridique, droits d’usage et affectation étaient instruits de la même façon par les tribunaux des réformations comme ceux présidés par Jean Bardon et Louis de Froidour.

* Il a longtemps été cru que les affectations étaient propres à la Lorraine. La preuve que non…

En 1542, le procès de l’affectation faite à Gaillac

Le résumé de la délivrance des 150 chênes faite en 1541 par le lieutenant Salvy de La Pierre montre que les procédures prévues en 1520 étaient bien suivies :

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<p>« Délivrance faite par Salvy de La Pierre, lieutenant particulier du maître des Eaux et Forêts au pays de Languedoc, et commissaire député, aux habitants de Gaillac de cent cinquante pieds d’arbres dans la forêt de la Grésigne et au plus offrant et dernier enchérisseur à l’extinction de trois chandelles, à Antoine Huc, marchand de Gaillac, pour le prix de trois cent-une livres tournois. À Gaillac, le dernier jour de décembre l’an 1541 ». (Source : Arch. com. Gaillac, II 5)</p>
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Est-ce un hasard si le représentant de la maîtrise pour la Grésigne fait les choses comme il convient en cette fin 1541 ? La venue du commissaire réformateur est connue depuis juin de cette année. Bardon veut savoir si les redevances prévues dès l’origine ont bien été versées et il enjoint « d’apporter, par-devant lui, avant lundi prochain, l’état de la dépense et frais faits les trois dernières années en faisant la délivrance des chênes à eux délivrés dans ladite forêt èsdites trois années ». Le lundi 19 juin 1542, l’un des consuls de Gaillac « mit par-devant nous trois rôles en papier, des années trente-neuf, quarante et quarante-un, de la dépense et frais faits pour la vente faite èsdites années de cent cinquante arbres délivrés chacun an en ladite forêt pour l’usage desdits manants et habitants de Gaillac ». Instruit peut-être de pratiques pas très normales soit par le procureur du roi soit par certains des juges dont il a, pour le procès de ce droit, rassemblé onze, chiffre exceptionnel, Bardon est très méfiant sur la sincérité des pièces montrées.

Des clauses de délivrance renforcées

L’instruction achevée, le procès a lieu le 19 août 1542. Le tribunal, tout aussi soupçonneux, décide d’interloquer le jugement et exige, avant de juger sur le fond, de nouvelles preuves de dépenses liées à l’affectation des 150 chênes depuis 1520. Le délai accordé pour rassembler les états de dépense est long, huit mois, et si Gaillac les montrait, il ne faut pas priver la ville de la délivrance pour l’hiver 1542-1543.

Pour l’instant, « et jusque à ce qu’autrement en ait été ordonné », Bardon va mettre de nouveaux garde-fous à la procédure initiale. Il rappelle d’abord la première restriction, la maîtrise doit choisir des arbres « moins dommageables de la forêt ». On l’a vu, le martelage ne devait consister qu’en une marque, mais alors, une fois l’arbre exploité, comment savoir s’il avait bien été choisi ? Bardon exige donc que « à chacun desdits arbres, seront faites deux marques, l’une à demi pied près de terre et l’autre à quatre ou cinq pieds hors de terre ». La « marque au pied » doit être conservée sur la souche (10), cette pratique devenue courante n’était alors pas du tout systématique.

Comment s’assurer que le prix proposé lors des enchères est conforme à celui de la valeur des arbres ? Là aussi, Bardon a dû être renseigné sur des pratiques douteuses car, en fait, les effets pervers du système d’adjudication par préférence sont nombreux. Voilà Gaillac obligé d’acheter une prestation d’exploitation à celui qui en offre le prix le plus élevé ! Il suffirait de s’entendre avec les éventuels candidats, voire faire en sorte qu’il n’y en ait pas pour négocier directement le travail avec bûcherons et mérandiers. C’est ce qui devait se faire, la vente de 1541 étant une « heureuse » exception. Bardon imagine alors un système dans lequel « iceux arbres ainsi marqués seront estimés par quatre marchands, charpentiers, tonneliers ou autres experts desquels les parties conviendront ou par trois qui feront serment entre les mains dudit maître ou son lieutenant de bien et loyalement estimer lesdits arbres en y comprenant le ramier et branches et de ladite estimation feront rapport ou procès-verbal qui sera publié èsdits consuls ». Cette estimation servira de base aux enchères : « Ladite estimation et publication faites seront lesdits arbres dits et proclamés vendables et qu’ils ont été mis à tel prix par lesdits demandeurs pour savoir si aucun y voudra mettre plus grand prix et s’il y a aucun enchérisseur qui mette plus grand prix que l’estimation faite par les trois ou quatre accords et convenus seront baillés et délivrés au plus offrant et dernier enchérisseur pour avec lesdits arbres ainsi achetés ou le merrain qui proviendra d’iceux être vendu et délivré aux manants et habitants de Gaillac pour faire pipes, barriques et autres vaisseaux (11) à eux nécessaires pour leurs vins ». Bardon prévoit le cas « où ne se trouvait autre enchérisseur, les demandeurs seront tenus les prendre pour le prix à quoi auront été estimés ».

Si les clauses concernant les délais sont reprises de celles édictées en 1520, l’acheteur pourra disposer des branches « sans qu’il soit tenu les laisser pour les usagers ». Il est également fait « inhibitions et défenses de ne faire, dans ladite forêt, aucun charbon ».

La lettre et la réalité

A part des traces ténues en 1597 et 1611, on ne sait rien d’autre des délivrances jusqu’à la visite complète (durant 5 jours à l’automne 1666) que Froidour fait de la Grésigne. Voici ce qu’il écrit, sans fard, sur l’affectation à Gaillac, clairement devenue une opération de pillage avec son lot d’officiers des Eaux et Forêts corrompus :

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Cette charge virulente provient de son livre « Instruction pour les ventes des bois du roi », les turpitudes de la ville de Gaillac et des officiers de la maîtrise de Toulouse furent alors connues de tous les forestiers du royaume, cet ouvrage ayant été maintes fois réédité jusqu’à la fin de l’Ancien Régime (12). Bardon n’avait pas tort de se méfier quant il réclamait des pièces de dépenses supplémentaires ou quand il resserrait les clauses des ventes à Gaillac. Ses ajouts aux clauses de la délivrance montrent bien que les abus et tricheries avaient commencé de son temps. Il y a souvent loin des règlements techniques protégeant les forêts aux pratiques qui les ruinent.

Gaillac n’aurait-il plus besoin de tonneaux ? Non bien sûr, les consuls écriront que cet abandon a eu lieu « à cause des frais que cela leur causait ». Si leurs pratiques étaient réellement celles que décrira Froidour, ce n’est pas le prix des arbres ni de leur exploitation qui devait leur revenir bien cher. Mais cet argument est-il le bon ? Ne peut-on penser, toujours en suivant Froidour, que la forêt ne fut plus capable, progressivement, de fournir des chênes capables de fournir des merrains ? Le commissaire du XVIIe siècle décrivait une forêt dans laquelle « l’on y a par tout coupé les plus beaux arbres à deux, trois et quatre pieds de hauteur ; ce qui reste dans les lieux accessibles ne sont que des arbres déshonorés, rabougris, malvenants ; il reste sur les penchants et précipices quelques endroits qui n’ont point été pillés à l’excès mais les arbres n’étant pas dans les bons fonds ne sont pas aussi de si bonne qualité que ceux que l’on a coupé et emportés ».

La raison de l’abandon du droit vers 1630

La Grésigne vidée de ses chênes aptes à faire des merrains, le droit d’en prendre était devenu purement théorique et, d’ailleurs, fait incroyable, il a été abandonné. Sait-on quand ? En mai 1545, le commissaire réformateur à peine parti, la ville de Gaillac va tenter « d’obtenir la permission de prendre cent cinquante pieds d’arbres, outre et par-dessus les cent cinquante pieds de gaudence d’ancienneté ». Cela lui a été refusé, mais cette demande montre tout l’intérêt qu’avait alors ce privilège pour la ville qui utilise là le mot « gaudence » pour la première fois. Elle va d’ailleurs en demander régulièrement confirmation, ce qui fut fait par le roi en 1571, puis par le grand maître du Languedoc en 1581, 1597, 1600 et 1611. Et pourtant, Gaillac ne va très vite plus utiliser ce droit : en 1667, il était abandonné « depuis plus de 30 ans ».

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<p>« Duquel privilège la communauté s’est départie depuis plus de trente ans, n’en ayant aucunement joui, et déclare encore ne s’en vouloir aider ni servir à l’avenir ». Article XVII du dénombrement que les consuls de Gaillac présentèrent au roi en 1667. (Source : arch. com. Gaillac, AA 4)</p>
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Un droit d’usage ou une affectation s’éteignaient – et s’éteignent toujours – par prescription trentenaire, d’où la formule utilisée par Gaillac. Sans pouvoir être plus précis, on en déduit que le privilège a été abandonné entre 1612 (on a trace de la délivrance de 1611) et 1637, départ de la prescription trentenaire. Lors de la réformation de Froidour, cet abandon est confirmé, Gaillac déclarant « que depuis quarante ans et plus, elle n’a point joui du privilège appelé gausence dans la forêt de Grésigne, n’entend en jouir à l’avenir et y renonce ». Gaillac a donc cessé de se fournir en chênes de Grésigne « depuis 40 ans et plus » soit peu avant 1627 et l’on constate que le terme de « gausence » était bien devenu le nom d’usage du droit. Que signifie donc ce terme ?

Droit de gaudence ou gaudence d’un droit ?

Tous les historiens qui ont traité de la Grésigne ou de Gaillac (de 1864 à 1963) ont appelé « droit de gaudence » cette affectation de 150 chênes. Grands spécialistes des droits d’usage, encore très vivants de leur temps, les grands auteurs en droit forestier, Meaume vers 1850 et Guyot au début du XXe siècle ignoraient ce terme. D’où vient-il ? En 1663, l’archiviste chargé de réaliser « l’inventaire général des titres et instruments qui sont dans les archives de la maison de ville de Gaillac » range de façon très professionnelle toutes les pièces qui, au fil du temps, ont traité des fameux 150 chênes. Il établit un registre qui résume ces pièces classées par ordre chronologique. Voici la première :

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<p>« Lettres du roi François portant mandement d’exécuter les lettres des maîtres des Eaux et Forêts en Languedoc sans avoir égard au décès dudit maître des Eaux, faire icelles exécuter en faveur des habitants de Gaillac pour les cent cinquante pieds d’arbres qu’ils ont accoutumé prendre par gaudence ou gausence dans les forêts de la Grésigne et Giroussens*. Donné à Lavaur 1521**. Coté n°, sans sceau, sans seing, 178 ».</p><p></p><p>* Cette autre forêt royale, bien plus proche de Gaillac que la Grésigne était alors totalement ruinée et bien incapable de fournir des chênes à merrains.</p><p></p><p>** Cette année, le parlement s’était réuni à Lavaur « la peste étant à Toulouse ».</p>
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C’est dans cet inventaire de 1663 que les historiens des années 1860 ont trouvé ce terme, non dans les pièces originales disparues pour la plupart. Les résumés de l’archiviste l’emploient trois fois. Outre le résumé du document de 1521, on trouve le mot pour des pièces de 1545 (« les cent cinquante pieds de gaudense d’ancienneté ») et dans une lettre de 1581 « en faveur des habitants de Gaillac de jouir de leurs privilèges et de leurs droits gaudence ou gausence de cent cinquante pieds d’arbres ». Il est évident que le greffier ne comprend pas le mot et donc hésite : « gaudence ou gausence » ? Il lie le terme au droit affectataire qui devient, en 1863, le « droit de gaudence ». En réalité, la gaudence (du verbe latin gaudere) est, tout simplement… la jouissance de ce droit. A cette lumière, les phrases qui viennent d’être citées, ont tout leur sens.

Trouver une autre source d’approvisionnement en merrains

Froidour disait de la Grésigne que « dans le pays, il n’y a presque point de charrois et qu’on ne voiture qu’avec des mulets, ânes et autres bêtes de somme ». Pour effectuer le charroi des vendanges, Gaillac avait toujours fait appel à des Rouergats. Une délibération de la fin du XVIIe siècle qui règlemente l’ouverture des vendanges le montre : « On assemblera les habitants pour fixer le jour, et, de suite, on enverra chercher les bouviers dans le Rouergue ». Ou, en 1675, année de vendange précoce, Gaillac « envoie en toute hâte des hommes à cheval dans le Rouergue, pour amener des bouviers pour le charroi des vendanges ». Les archives de la ville de Gaillac nous apprennent que, depuis très longtemps, le Tarn « commence d’être navigable à la ville de Gaillac et c’est à son port qu’on embarque les denrées et marchandises venant du pays du Rouergue ». Le transport des merrains s’est donc facilement ajouté à celui d’autres produits rouergats. Bien entendu, si la Grésigne n’a plus été sollicitée par les besoins de Gaillac, le report de ceux-là vers le Rouergue eut des conséquences négatives importantes pour les forêts de cette province. N’en donnons qu’un seul exemple : vers 1760, « une société de négociants a fait exploiter des bois très considérables dans le Rouergue qu’elle a converti en merrains »

Conclusion

Malheureusement, nous ne connaissons pas les bases de l’étude de la ressource qui avait permis de fixer, en 1501, la possibilité (au sens forestier du terme) à 150 chênes. La retrouver dans les archives du Grand Conseil serait magnifique et très instructif. En tout cas, cette histoire montre bien qu’il est facile et rapide – un siècle dans notre cas – de ruiner une forêt dès que l’on dépasse cette possibilité. Cette enquête, partie de la curiosité de savoir ce qu’était ce bizarre « droit de gaudence », nous a fait découvrir un pan de l’histoire commune de la Grésigne et de Gaillac et ajouter un chapitre original au très ancien lien entre chêne et vin.

(1) Le Tarn, très longtemps navigable depuis Gaillac, puis la Garonne, permettaient des transports par bateaux jusqu’à Bordeaux.

(2) Pour cet article, nous ne citerons pas les cotes des sources utilisées sauf pour les figures. Les textes originaux ont parfois été tronqués et sont transcrits en français moderne.

(3) Les divers récipients nécessaires au transport et stockage du vin étaient qualifiés de « vaisselle vinaire ».

(4) Depuis longtemps.

(5) Par « Languedoc », il faut entendre ici non la province mais la sénéchaussée de Toulouse. Sur le plan des Eaux et Forêts, elle deviendra la maîtrise particulière de Toulouse.

(6) Le maître des Eaux et Forêts disposait d’un marteau gravé à ses armes, sa « marque ».

(7) Les merrains étaient fendus directement sur la coupe.

(8) Bartoli M., 2019 - 1542 : un commissaire de François Ier en forêt de Grésigne, SSABL Tarn, 93 p.

(9) Pieux. Donnera « palissade ».

(10) De là vient le nom des « carnets à souches ».

(11) Voir note 3.

(12) Nous montrons la page 45 de l’édition de 1759.

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