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De la coupe ou de l'enlèvement ou de bois ayant ou non 20 centimètres de tour

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Crédit photo Claire - stock.adobe.com
De tout temps sans doute, et déjà du temps de l’Ordonnance de 1669, il y avait des actes de malveillance ou de brigandage, concernant les forêts. La présente époque continue ce fait social, les motifs perdurant.

Une question nous a été posée sur la coupe de bois en forêts, et pose une question d’interprétation du code forestier, malmené par les codifications successives de 1952 (1), 1979, 2012 (2).

Nous nous attachons donc à la question suivante : le régime pénal de la coupe ou enlèvement d’arbres ou de bois dans les bois et forêts.

Nous allons conduire l’analyse dans deux codes, le grand code de 1827 de Charles X, et le code actuel de 2012.

Code forestier de 1827

Nous envisageons trois articles essentiels (3).

Article 192

Le premier article est donc l’article 192 qui dispose :

« La coupe ou l’enlèvement d’arbres ayant deux décimètres de tour et au-dessus donnera lieu à des amendes qui seront déterminées dans les proportions suivantes, d’après l’essence ou la circonférence de ces arbres.

Les arbres sont divisés en deux classes.

La première comprend les chênes, hêtres, charmes, ormes, frênes, érables, platanes, pins, sapins, mélèzes, châtaigniers, noyers, alisiers, sorbiers, cormiers, merisiers et autres arbres fruitiers.

La seconde se compose des aunes, tilleuls, bouleaux, trembles, peupliers, saules, et de toutes les espèces non comprises dans la première classe.

Si les arbres de la première classe ont deux décimètres de tour, l’amende sera d’un franc par chacun de ces deux décimètres, et s’accroîtra encore progressivement de dix centimes par chacun des autres décimètres.

Si les arbres de la seconde classe ont deux décimètres de tour, l’amende sera de cinquante centimes par chacun de ces ceux décimètres, et s’accroîtra encore progressivement de cinq centimes par chacun des autres décimètres.

Le tout conformément au tableau annexé à la présente loi.

La circonférence sera mesurée à un mètre du sol (C. forest. 193, 194, 198, 202) ».

Article 194

Le second article est l’article 194 qui dispose :

« L’amende, pour coupe ou enlèvement de bois, qui n’auront pas deux décimètres de tour, sera pour chaque charretée de dix francs par bête attelée, de cinq francs par chaque charge de bête de somme, et de deux francs par fagot, fouée, ou charge d’homme.

S’il s’agit d’arbres semés ou plantés dans les forêts, depuis moins de cinq ans, la peine sera de trois francs par chaque arbre, quelle qu’en soit la grosseur, et, en outre, d’un emprisonnement de six à quinze jours (C. for. 192, 198, 202) ».

Article 195

Le troisième article est l’article 195.

« Quiconque arrachera des plants dans les bois et forêts sera puni d’une amende qui ne pourra être moindre de dix francs, ni excéder trois cents francs ; et si le délit a été commis dans un semis ou plantation exécutés de main d’homme, il sera prononcé en outre, un emprisonnement de quinze jours à un mois (C. for. 194, 198, 202) ».

Code forestier de 2012

Article L. 163-7

Cet article dispose :

« La coupe ou l'enlèvement d'arbres ayant au moins 20 centimètres de circonférence est puni conformément aux dispositions des articles 311-3, 311-4, 311-13, 311-14 et 311-16 du Code pénal.

La circonférence est mesurée à 1,30 mètre du sol. Si les arbres ont été enlevés et façonnés, elle est mesurée sur la souche. Si la souche a été également enlevée, la circonférence est calculée dans la proportion d'un cinquième en sus de la dimension totale des quatre faces de l'arbre équarri.

Lorsque l'arbre et la souche ont disparu, la grosseur de l'arbre est appréciée par le juge.

Le fait d'enlever des chablis et des bois coupés illégalement est puni des mêmes peines que l'abattage sur pied ».

Article R. 163-1

Cet article dispose :

« Dans les bois et forêts, la coupe ou l'enlèvement de bois qui n'ont pas 20 centimètres de tour, qu'ils aient été plantés ou non depuis moins de dix ans, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. Le contrevenant encourt également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ainsi que de la chose qui en est le produit. »

Article R. 163-7

Cet article dispose :

« Le fait d'arracher des plants dans les bois et forêts est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. Le contrevenant encourt également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ainsi que de la chose qui en est le produit ».

Analyse

Bases

Le code de 1827 est guidé par les principes qui suivent :

- Le critère est les 20 cm de tour.

- Les arbres de 20 cm et plus, amende graduée.

- Les bois de moins de 20 cm de tour, amende graduée.

- Arbres semés ou plantés depuis moins de 5 ans, amende et emprisonnement.

- Arrachage de plants, amende.

- Arrachage de plants dans semis ou plantations de main d’homme, emprisonnement.

Le code forestier de 2012 a les principes qui suivent :

- Le critère est pour la loi les 20 cm de tour, règle inchangée.

- Pour le règlement (décret), moins de 20 cm, plantés ou non depuis moins de dix ans. Amende 5e classe.

- Arrachage de plants, amende de 5e classe.

Conclusion pour les bois de moins de 20 cm

Raisonnement

Le code de 1827 contenait :

- une amende.

- une aggravation (emprisonnement) pour les jeunes semis ou plants (5 ans).

Le code de 2012 contient ;

- une amende généralisée de 5e classe.

- la disparition de l’aggravation.

Note, la notion de « qu’ils aient été plantés ou non depuis moins de dix ans », encourt deux critiques :

- c’est une très mauvaise tournure, qui dénote une mauvaise pratique de la langue française. Cela veut-il dire planté ou non planté ? ou depuis moins de dix ans ou non ?

- la notion de jeune plant (moins de dix ans) n’a plus de sens. Il n’y a plus d’aggravation de la peine.

En pratique

Depuis 1958, la codification doit être faire à droit constant. La commission de codification n’a pas compétence pour modifier les lois et décrets qu’elle met en ordre.

En dépit de ce principe, on trouve ici et là des choses curieuses. Comme le déplacement d’un article dans une autre partie (4), ou une affirmation nouvelle et péremptoire et fausse (5).

Le codificateur de 2012 avait le droit d’aligner le code forestier un peu plus sur le Code pénal, en rédigeant le texte lui-même du règlement. C’est un exercice périlleux. Il a du sentir la nécessité de mentionner la circonstance des jeunes bois (semis ou plants), même si celle-ci n’avait plus aucun sens, puisque l’emprisonnement a disparu.

Les bonnes leçons sont éternelles. Comme le disait le grand Boileau :

« Soyez plutôt maçon, si c’est votre talent,

Ouvrier estimé dans un art nécessaire,

Qu’écrivain du commun, et poète vulgaire ». (6)

***

Depuis 1827, deux siècles bientôt, il y a un critère maître, 20 centimètres.

La notion de jeune bois (semis ou plants) n’a plus de sens.

On doit donc considérer que la tournure « qu’ils aient été plantés ou non depuis moins de dix ans » n’a plus de portée par rapport au critère des 20 centimètres.

En tout état de cause, on ne peut admettre qu’une codification ait défini une nouvelle infraction afférente à des arbres de plus ou moins dix ans.

Adenda 1

Bien d’autres questions peuvent être posées sur ces lois et décrets. Comme par exemple, les articles que l’on vient d’aborder s’appliquent-ils à la régénération naturelle ?

Un élément pourra être trouvé dans l’article 195 du code de 1827, puisque cet article dispose :

« Quiconque arrachera des plants dans les bois et forêts… ; et si le délit a été commis dans un semis ou plantation exécutés de main d’homme, il sera prononcé en outre, un emprisonnement de quinze jours à un mois »

Il est donc évident que le code de 1827 faisait la distinction, et s’appliquait aussi à la régénération naturelle.

Adenda 2

À notre époque d’écologie médiatique et politique, on mesure combien le code de 1827 était rigoureux pour la protection des bois, en bois et forêts. Alors que malgré les incantations aux forêts, surtout ailleurs qu’en France, on continue à les négliger dans les lois et décrets.

(1) Sur cette codification, voir Camille VIGOUROUX, Code forestier, décret du 29 octobre 1952, commentaire critique, Paris, Nouvelles éditions françaises édit., 1953, 349 p.

(2) Sur les autres codifications, voir nos articles (et notre brochure en faisant la recension). lagardeforêts@neuf.fr

(3) Il y a d’autres articles complémentaires, les peines accessoires, etc.

(4) « Une anomalie de codification forestière en Martinique, ou comment une simple citoyenne peut l’emporter sur l’État de droit », La Forêt privée, 2020, n° 373, pp. 83 à 91.

(5) « De deux articles aberrants du Code forestier » La Forêt privée, 2021, n° 377, pp. 83 à 84.

(6) Boileau - Œuvres poétiques/L’Art poétique/Chant IV.

Gestion forestière

Magazine n°386

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