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Mathieu Fleury, président du CIBE

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La Journée du bois-énergie se tiendra le 6 juin à Paris. Mathieu Fleury, président du Comité interprofessionnel du bois-énergie (CIBE), présente cette troisième édition et revient sur quelques enjeux en cours, que ce soit pour ce secteur d’activité en particulier ou la filière forêt-bois d’une manière générale.

Le Bois International : Quelle est l’origine de cette Journée du bois-énergie ?

Mathieu Fleury : Nous voulions pouvoir parler de la première énergie renouvelable de France à un public très large. L’idée c’était de dire : il y a une énergie renouvelable que vous ne connaissez peut-être pas, qui est la plus ancienne et la plus importante en France, c’est le bois-énergie. L’objectif, c’est de donner des éléments de compréhension, chiffrés. Expliquer aussi qui se trouve derrière tout ça. Le nombre d’emplois. Quelles sont les perspectives de développement. Dans la presse quand on parle d’énergies renouvelables, il n’est question que d’électricité, et notamment d’éolien et de photovoltaïque, mais jamais de la première énergie renouvelable qu’est le bois-énergie. C’est là l’origine de cette journée du bois-énergie, avoir aussi la volonté de parler d’une seule voix que ce soit le chauffage domestique, le chauffage collectif, le chauffage industriel. C’est un exercice aussi enrichissant de pouvoir partager les points de vue des uns et des autres et de les harmoniser dans une communication d’ensemble, qui avait aussi abouti à la publication des « Questions-réponses du bois-énergie ».

Le CIBE est à l’initiative de cette journée et également la cheville ouvrière. Comme nous parlons au nom de la filière bois-énergie, nous avons été cooptés comme organisme référent pour cet événement par l’ensemble des parties prenantes. Par contre ce n’est pas uniquement le CIBE qui parle dans ce cadre, mais l’ensemble des acteurs que l’on essaye de fédérer autour de cette journée du bois-énergie.

LBI : Pouvez-vous nous présenter plus en détail cette 3e édition ?

M. F. : L’idée, c’est de remettre un peu les choses en perspective. Nous sommes dans une phase charnière. Nous avons connu une crise énergétique majeure. Il y a des lois de programmation, des lois d’accélération, sur les énergies renouvelables, qui ont été écrites. Comment allons-nous les mettre en musique afin d’accélérer cette transition énergétique, avec l’amplification de cette énergie qu’est le bois pour qu’elle garde et renforce sa première place en France ?

Comment allons-nous nous organiser ? Quel impact sur la ressource ? Que devons-nous faire au niveau des territoires ? Pour atteindre ces objectifs qui sont très ambitieux, qu’on espère très ambitieux au sein de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est en rediscussion en ce moment. L’objectif de cette troisième Journée du bois-énergie, c’est d’échanger, d’essayer aussi d’apporter des éléments aux gens qui ne connaissent pas trop le sujet, de les rassurer en expliquant qu’on ne coupera jamais des beaux arbres pour faire du bois-énergie. Nous restons dans une logique qui s’inscrit au sein d’une filière. Nous allons utiliser les sous-produits de l’entretien des milieux naturels, les sous-produits des industries du bois, les déchets de bois en fin de vie, mais on ne plante pas d’arbres pour faire de l’énergie en France et ce ne sera pas le cas demain. Nous avons par contre un potentiel à valoriser, une forêt qui montre des signes de faiblesse – pas aussi forts que les forêts de l’Est en Allemagne notamment –, mais qui est néanmoins malade, qui souffre de stress hydrique, des incendies, et qu’il faut qu’on accompagne. Le bois-énergie peut être un des maillons pour l’aménagement nécessaire de nos massifs forestiers, qui permet d’avancer dans la réflexion aussi bien en valorisant cette énergie renouvelable qu’en améliorant la gestion de nos forêts.

LBI : Jusqu’à récemment, l’Union européenne envisageait de ne plus considérer une partie du bois issu des forêts comme une énergie renouvelable. Où en est-on sur ce point ?

M. F. : Il est ressorti quelque chose du trilogue, mais il n’y a rien d’officiel. Il y a eu des fuites qui nous laissent penser en effet qu’il y aura la possibilité de travailler sur la plaquette forestière de façon intelligente, mais c’est trop pour en parler dans la presse. En tout cas moi je ne souhaite pas en parler parce que nous n’avons rien eu d’officiel de communiqué par la Commission européenne. La position du trilogue doit être votée au Parlement européen, et tant que ce n’est pas fait, je préfère ne pas trop m’exprimer sur ce point et parler davantage de Red II qui s’inscrit dans la logique de ce que veut l’Union européenne et de ce que veulent les habitants pour garantir la durabilité de la gestion forestière en France. Nous sommes bien en phase là-dessus. Nous avons réussi à faire une analyse de risque au niveau national qui a été validée par le ministère de l’Agriculture et de la Forêt. Cela va nous permettre d’avancer constructivement sur les attestations et autres bons que l’on doit délivrer quand on livre du bois-énergie. Red II est en phase de mise en place opérationnelle au niveau du territoire national. Je préfère communiquer positivement sur ce point et qu’on ne s’attarde pas sur Red III et cette définition de biomasse primaire ligneuse, qui de prime abord a disparu des textes, mais pour laquelle il n’y a rien d’officiel.

LBI : Concernant donc la directive européenne sur les énergies renouvelables Red II, quand sera-t-elle en service ?

M. F. : Red II est en vigueur. Il y a une phase préalable qui est en cours en ce moment. Les acteurs sont en train de s’organiser pour délivrer les attestations en s’appuyant sur l’analyse de risques. Nous avons un petit retard à l’allumage au niveau des organismes certificateurs pour nous délivrer ces certificats. Il est lié à un problème de recrutement au sein de ces organismes.

LBI : Quelles seront donc les échéances à venir pour l’entrée en vigueur de la directive RED III sur laquelle planchent actuellement les institutions de l’Union européenne ?

M. F. : En théorie, Red III devrait être votée d’ici l’été et mise en application au 1er janvier, alors qu’on vient de mettre en application Red II. Nous sommes dans un planning très serré.

LBI : La capacité du bois-énergie à décarboner les usages n’est-elle pas aussi parfois contestée dans la société ? Dans ce cas, quels messages adressez-vous aux gens ?

M. F. : C’est l’un des objectifs de cette 3e Journée du bois-énergie. En effet, nous faisons face à une contestation de plus en plus vive, où les gens pensent que laisser grandir les arbres c’est la seule solution. Laisser grandir les beaux arbres pour en faire des meubles et de la charpente, évidemment, c’est la finalité de la forêt. Mais avec ce raisonnement de tout vouloir protéger et de rien vouloir couper, de ne plus vouloir toucher à la nature, comment faisons-nous ? C’est juste pas possible. Les gens sont contents d’avoir des feux de bois et en même temps ils ne veulent plus qu’on coupe d’arbres. Nous avons un vrai défi de communication, et c’est un des objectifs de cette journée.

Il faut expliquer qu’on coupe les arbres parce qu’ils sont trop petits, parce qu’ils sont tordus, parce qu’on récupère la tête des arbres, et que nous allons dans le bon sens de l’exploitation forestière pour capter plus de plus en plus de carbone. On ne va pas détruire les arbres juste pour les brûler demain. Ce n’est pas le sujet. Il ne faut pas dire que ça n’a jamais été le sujet parce que c’était le cas quand même dans les années 1800, où il y avait de la déforestation massive en France, parce que les besoins énergétiques étaient très forts et en matière de construction extrêmement élevés aussi. Du coup on était dans une période où la forêt a connu un grand déclin. Mais depuis nous sommes quand même plus raisonnés. Dire qu’on est raisonnable j’en prendrai pas complètement le pari, nous essayons en tout cas, par le biais de ces directives Red II et Red III, de nous mettre collectivement des garde-fous pour éviter d’en arriver, quand le prix du baril sera à 200 ou 300 dollars, à couper nos forêts parce que ça coûtera beaucoup moins cher. Je pense que c’est un peu ça l’esprit de ces directives. En tout cas, c’est ce que j’essaye de me dire quand je suis trop négatif et que je me dis que c’est que de la technocratie européenne. Il y a quand même sans doute du bon. Si le Parlement européen s’est penché sur le sujet, c’est qu’il y a aussi eu des excès, dans certains pays. C’est pas le cas en France forcément mais il faut toujours être vigilant. Quand on baigne dans notre filière, on se dit : « Arrêtez, laissez-nous travailler, etc. ». Il faut entendre les alertes de ce que nous dit la société.

LBI : La part des énergies renouvelables dans la consommation totale de la France est appelée à se développer. Jusqu’à quel niveau est-il souhaitable d’aller avec le bois ?

M. F. : Collectivement, avec le club de la chaleur renouvelable au sein duquel participent différents organismes des énergies renouvelables, nous avons identifié un objectif de 140 TWh pour le bois-énergie à l’échéance 2030. C’est un objectif qui me paraît très ambitieux par rapport au laps de temps dont nous disposons. Professionnellement, j’ai repris la présidence de Biocombustibles et je suis donc au cœur des sujets qui concernent la mobilisation de la biomasse. Quand je vois le nombre de personnes que nous sommes, le délai qu’il faut pour commander une machine, ou encore le nombre d’entreprises de travaux forestiers qui disparaissent par rapport à celles qui se créent… je ne sens pas une dynamique importante pour aller mobiliser beaucoup plus de bois, que ce soit du bois d’œuvre, du bois d’industrie ou du bois-énergie. […]

Je suis allé en Finlande dernièrement, et en discutant sur place avec l’organisme équivalent de FCBA en France, il m’expliquait qu’ils arrivent au plafonnement de leur récolte de bois. Aujourd’hui, il ne prévoit pas d’usages supplémentaires. Nous, nous avons encore beaucoup de marge de manœuvre. Il faut donc bien l’exploiter, en essayant de le faire le plus intelligemment possible, et en fonction des urgences que le climat va nous imposer aussi. Il y a des moments où, on l’a vu avec les scolytes et on le revivra dans d’autres cas avec une tempête ou des grands incendies, il faut qu’on essaye de s’adapter et d’être le plus résilient possible à l’échelle du territoire. Le grand message c’est de se dire : l’Homme aujourd’hui a besoin d’avoir une action forte sur la forêt pour l’accompagner quant au changement climatique qui est très rapide. Pour le coup, il n’y a pas vraiment de question à se poser. Laissez pousser les arbres tout seuls dans la forêt, ça va donner de la biodiversité, ça peut être intéressant de le faire sur un ou deux pourcents de la superficie forestière nationale, mais finalement le risque de perdre des capacités de stockage de CO2, parce qu’on n’aura pas entretenu et accompagné la forêt comme c’est fait depuis des siècles et des siècles sur le territoire national, est plus grand que le bénéfice de laisser pousser la biodiversité. Je pense que c’est ce qui est important en ce moment. C’est vrai que vis-à-vis de la société, nos messages ne sont pas très audibles. Il y a donc un gros travail de communication à faire pour essayer de faire comprendre ces sujets-là, ce qui n’est pas simple. Mais au moins, nous en avons conscience collectivement.

Au programme de la 3e Journée du bois-énergie

Le 6 juin à Paris, le CIBE, Amorce, la Fedene, la FNCR, Propellet France, le SER et le Syndicat français des chaudiéristes biomasse coorganiseront la 3e Journée du bois-énergie. Elle aura pour thème « Changement climatique : le bois-énergie, un atout majeur de la décarbonation ». À noter qu’il sera possible de suivre les débats à distance pour les participants qui le souhaitent.

Au programme :

- place du bois-énergie dans les débats pour la transition énergétique et climatique – avec la participation de Fanny-Pomme Langue (CEPF), Mathieu Fleury (CIBE), Luc Pelkmans (IEA Bioenergy), ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires*, Jules Nyssen (SER) ;

- atouts/limites du bois-énergie face au changement climatique – avec la participation d’Émilie Machefaux (Ademe), Océane Le Pierres et Clothilde Tronquet (I4CE), Antoine Colin (IGN), Christine Deleuze (ONF), Florin Malafosse (Solagro) ;

- autonomie énergétique et décarbonation à partir de ressources durables et locales ;

- les enjeux pour l’industrie : avec la participation de Grégory Bertrand (Cristal Union)*, Grégoire Juillot (SRC) ;

- les enjeux pour les territoires : avec la participation de Patricia Morhet (association des Communes forestières des Alpes-de-Haute-Provence), Laure Curvale (canton de Pessac (33), Vincent Labarthe (région Occitanie).

Bois-Energie

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