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Les immeubles de logements bois dépassent le E3C2 avec CBS-Lifteam

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Crédit photo LA Architectures
Édifié par le magicien du bois CBS-Lifteam, l’ensemble de logements tout en bois construit à la Porte des Lilas relève son lot de défis au plan technique, comme chaque réalisation du groupe franco-suisse. Son exemplarité environnementale n’a d’égale que celle de son ambiance architecturale, fruit du labeur de LA Architectures. Les deux bâtiments R+5, baptisés Paris Venelles par le maître d’ouvrage – le promoteur Giboire –, ont encore fait progresser le matériau bois sur la voie de la conquête du monde urbain. Le CNDB en a proposé la visite en mars, le Forum bois construction les a présentés lors de son édition 2023 juste achevée, dans le cadre de son atelier « Les logements biosourcés haute performance ».

Un ensemble de deux bâtiments de logements offrant un maximum de confort d’occupation à ses habitants et de confort visuel aux passants a commencé sa vie près de la Porte des Lilas. Sa mission urbanistique est, outre le fait d'offrir 60 logements tous différents avec leurs lieux collectifs agréables, de faire le lien entre deux quartiers, en reliant les ensembles imposants de la porte des Lilas à l’Ouest et le tissu lilasien traditionnel à l’Est (le projet clôture l’aménagement de la Zac de la Porte des Lilas ayant débuté en 2007 avec la création de l’esplanade qui couvre le boulevard périphérique et relie les villes de Paris, Le Pré Saint-Gervais, Bagnolet et Les Lilas).

Mission parfaitement accomplie, comme ont pu le découvrir les participants à la visite organisée par le CNDB en mars dernier, et plus récemment les auditeurs de l’édition lilloise 2023 du Forum bois construction.

Performance environnementale inédite

Mais l’essentiel est invisible pour les yeux : sa très haute performance environnementale. Quasi tout en bois, cet ensemble offre une vitrine exceptionnelle des capacités de ce matériau en immeubles d’habitation. Il indique ce que pourront être les immeubles de logements demain, quand la culture bois se sera partout répandue. À ce stade de son développement, il a fallu des passions conjuguées pour réaliser l’ensemble Paris Venelles : celle du cabinet d’architecture LA Architectures (1) et celle du groupe CBS-Lifteam.

 

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Crédit photo : LA Architectures

 

« Les projets « bois » sont complexes, surtout en France où la culture constructive et le cadre réglementaire ne sont pas en phase avec toutes les potentialités de ce matériau. Les normes générales applicables à la construction d’habitation sont restrictives et évoluent dans le temps : elles nécessitent de faire preuve de beaucoup d’imagination, de travail et de courage pour trouver des alternatives. Les bâtiments «bois» ne peuvent pas naître aujourd’hui sans l’engagement du maître d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre et de l’entreprise, sans leur soutien et leur volonté forte de développer de tels projets », notent les architectes. La bonne conjonction s’est mise en place autour du bâtiment Paris Venelles, dont le nom évoque les venelles en impasse des quartiers des Lilas, auxquelles répondent celles de l’ensemble d’habitation, très végétalisées. Si « construire plus durable dans des contextes urbains complexes est un exercice difficile qui demande une grande ténacité, parfois contre vents et marées ! », comme l’ont exprimé les maîtres d’œuvre (2), le défi a été relevé, et l’ambition de l’aménageur et de la ville de Paris en termes d’exemplarité écologique plus que satisfaite. Les niveaux de performance thermique et de confort d’été, et le bilan carbone des bâtiments, leur ont permis d’obtenir le label Énergie-Carbone niveau E3C2. En réalité, de dépasser de loin le niveau E3 du label ! L’impact carbone sur 50 ans est de 976 kgCO2/m² SDP pour le bâtiment Sud, et de 999 kgCO2/m² pour le bâtiment Nord (produits de construction et d’équipements, chantier, consommation d’énergie et consommation d’eau).

Le niveau 3 du label Biosourcé est par ailleurs largement atteint avec plus de 114 kg/m² de surface de plancher (SDP), soit 3 fois plus élevé que le seuil du niveau 3 (pour le niveau 1, un taux minimal d’incorporation de matière biosourcée de 18 kg/m² de SDP est demandé, pour le niveau 2 de 24 kg/m², et pour le niveau 3 de 36 kg/m² !).

L’ensemble d’habitation, qui se distingue également au plan du traitement de l’acoustique extérieure et intérieure, devient un emblème du « logement comme avant-garde de la transition écologique » tel que souhaité au Forum bois construction par Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes.

Il a reçu le Trophée du Cadre de vie, catégorie construction, du festival fimbACTE, après avoir été lauréat du Prix « Bas carbone résidentiel » lors de la soirée du Classement des promoteurs 2022.

Préfabrication chez Ecotim-Lifteam

La solution technique constructive mise en œuvre pour les façades a été celle des murs à ossature bois. Les façades ossature bois ont été préfabriquées dans les ateliers de la société Ecotim, faisant partie du groupe CBS-Lifteam, avec les bureaux d’études CBS et CBT (3). Elles ont intégré dès l’usine le maximum d’éléments, dans l’optique d’optimiser les temps de chantier. Deux types d’éléments ont été fabriqués, les deux bâtiments étant constitués d’un « socle » en partie basse et d’une partie haute avec de nombreux retraits.

La façade «socle», d’aspect monolithique et sans recoupement, est constituée, de l’extérieur vers l’intérieur : d’un enduit à la chaux, de laine de bois rigide isolante (Pavatex) et d’un pare-pluie, d’un panneau Fermacell de 12,5 mm d’épaisseur, d’un isolant biosourcé en ouate de cellulose, d’un OSB support de pare-vapeur, puis d’un doublage acoustique isolé avec une laine de verre. « Durant les études, une hypothèse a été poussée en isolation par matériau chaux-chanvre projeté. Les différents échanges et arbitrages entre acoustique, économie et corpus réglementaire existant nous ont amenés à construire cette solution qui possède les Avis techniques nécessaires », ont expliqué les architectes.

Les façades «étages» avec bardage de la scierie Gaiffe (Vosges), créant un volume découpé de terrasses et retraits, sont constituées : d’un bardage mélèze (finition saturateur de chez Fibex) avec modénatures verticales, d’une isolation laine de roche (écran feu), d’un OSB, de laine de verre entre ossature, pare-vapeur et doublage intérieur. « Pour ce projet en 3e famille, l’application du guide «bois construction et propagation du feu par les façades» a conduit à des choix constructifs, notamment les tableaux acier des menuiseries et les déflecteurs, intégrés au projet comme marqueurs d’étages et délimitation des terrasses », ont noté les architectes.

 

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Crédit photo : LA Architectures

 

Les dalles entre niveaux sont des planchers solivés en bois massif reconstitués, type O’Portune non visible. Le bois massif en épicéa de France a été privilégié pour l’ensemble des planchers des logements (complétés par une chape flottante) et la toiture végétalisée. L’utilisation de bois lamellé-croisé – français – a été limitée aux terrasses accessibles. L’ensemble de la structure est doublé pour répondre aux exigences réglementaires actuelles en habitation 3e famille. Les refends sont majoritairement en structure bois, complétés par des poutres métalliques pour les retraits de façade.

 

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Crédit photo : LA Architectures

 

Pour ces bâtiments fondés sur pieux, l’utilisation du béton armé a été réduite aux locaux techniques enterrés strictement nécessaires et aux cages d’escalier servant de contreventement. Ce soubassement en béton sert d’assise pour les murs ossatures bois. Dans une logique de réduction du poids carbone des ouvrages, un travail poussé a été effectué par l’entreprise avec un fournisseur de prémur pour intégrer du béton bas carbone dès la préfabrication.

Les volumes du programme étant complexes pour offrir un espace extérieur à un maximum de logements, des poutres de reprise en acier ont été utilisées, mais de manière limitée : la mixité bois-métal a permis de réduire les hauteurs de plancher, et se met au service des espaces intérieurs.

 

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Crédit photo : LA Architectures

 

Une palette de solutions innovantes a été conçue pour répondre aux attentes du programme. Un exemple : les toitures dites « biosolaires », qui combinent végétalisation et panneaux photovoltaïques, cette double combinaison étant assez peu commune sur un plancher bois et ayant nécessité beaucoup d’adaptations pour voir le jour. À noter que la production de chaleur collective pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire sont assurées par deux chaudières biomasse situées au sous-sol, avec des silos en sous-sol du bâtiment sud et un accès direct depuis la façade pour la livraison.

(1) Cabinet fondé en 2009 par Linda Gilardone et Axelle Acchiardo, qui ont reçu le prix de la première œuvre en 2014 pour un ensemble de logements sociaux pour des populations nomades à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

(2) Le groupement de maîtrise d’œuvre comprenait : LA Architectures (architecte mandataire) ; Les Saprophytes, paysagiste ; Vessière, BET structure bois, béton et terre crue ; Amoès, BET fluides et HQE ; E² Ecallard, Économiste ; AIDA, Acousticien ; Nathalie Chappé, BET VRD.

(3) Voir l’article « CBS : expertise des bois anciens et préconisations pour leur réemploi », dans Le Bois International des 9 et 16 juillet 2022.

Le groupe CBS-Lifteam

Le groupe CBS-Lifteam c’est à la base deux bureaux d’études : Concept bois structure (CBS), basé à Paris, et Concept bois technologie (CBT), basé à Lausanne. Docteur ingénieur bois désormais mondialement connu, passé par l’École nationale supérieure des technologies et industries du bois (Enstib) d’Épinal puis par l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), Jean-Luc Sandoz a d’abord créé ce dernier comme spin-off de l’EPFL avec pour objectif de transférer dans le domaine pratique les travaux de recherche effectués avec Julius Natterer, alors directeur de la chaire Bois de l’EPFL (ensemble, ils ont projeté le matériau bois dans l’approche des futurs Eurocodes). CBT a mis en application des savoirs sur la mesure physique des bois par les ultrasons et plus largement le contrôle non destructif des bois en développant notamment deux appareils de mesure, le Sylvatest et Polux, et intervient mondialement pour des missions d’expertise. CBS est un bureau d’études bois plus classique dont l’activité centrale est la conception et le dimensionnement de tous types de structures bois. Mais son expertise de haut niveau le porte plutôt vers le calcul de projets complexes et d’envergure (grandes portées, fortes charges). Le dirigeant a adjoint à ces deux entités d’excellence deux autres entités qui ont permis au groupe de devenir constructeur : Lifteam, entité qui porte les projets de conception-construction, et Ecotim, usine de préfabrication bois basée en Savoie. Lifteam traite les projets en phase travaux, soit en lots séparés, en macro-lots ou en tout corps d’état. La connaissance très poussée du matériau bois, et ainsi son usage optimisé, sont à la base de cet ensemble de sociétés dont les compétences se complètent. Au total le groupe détient une vingtaine de brevets. Il emploie 120 personnes, dont les deux tiers en France.

Trois questions à Jean-Luc Sandoz, créateur et dirigeant de Lifteam

Le Bois International : Paris Venelles est parmi les premiers immeubles de logements à obtenir (en réalité à dépasser) un label Énergie-Carbone niveau E3C2. Comment s’intègrent de telles très hautes exigences dans les façons de travailler du groupe CBS-Lifteam ? Les changent-elles ?

Jean-Luc Sandoz : Les nouvelles normes sociales et environnementales épousent parfaitement nos valeurs basées sur notre philosophie « plus d’ingénierie, moins de matière ». Dès la conception, nous intégrons des solutions qui permettent d’allier les performances techniques (structurelles, acoustiques, thermiques) aux exigences sociales et environnementales. Utiliser des produits naturels, renouvelables, sains, locaux avec des partenaires de confiance nous permet de rester efficients sur toute la chaîne de valeur et de manière durable. La plus belle des satisfactions est celle des usagers de nos ouvrages. Ils sont nos meilleurs ambassadeurs !

LBI : Vous œuvrez le plus souvent pour des constructions à haute technicité, voire des « moutons à cinq pattes ». Votre passion pour le matériau bois est connue (de même que votre expertise mondialement reconnue que ce soit en contrôle non destructif du bois ou en bureau d’études). Dans ce nouveau contexte où les entreprises générales se rapprochent des entreprises bois pour accéder aux nouveaux marchés, vous êtes de plus en plus courtisés. Quelle est votre position ?

J.-L. S. : Innover, aller de l’avant, se remettre sans cesse en question, cela fait partie de notre ADN. Nous sommes ouverts aux partenariats et aux synergies. Il faut juste avancer dans une intelligence collective qui respecte notre écosystème. J’impulse, je tire, je pousse mais j’ai surtout beaucoup de chance d’être entouré par des personnes de confiance. Les femmes et les hommes qui composent nos effectifs sont assurément d’une valeur rare. Chaque approche est évoquée en comité de direction.

LBI : Comment voyez-vous l’avenir environnemental et croyez-vous à la neutralité carbone ?

J.-L. S. : La neutralité carbone en 2050 est une utopie ! Sa médiatisation, telle qu’elle est déroulée, est inacceptable. Nous sommes dans l’urgence climatique avec un réchauffement qui s’accélère. Comme je l’ai rappelé au FBC, entre aujourd’hui et l’horizon possible de la neutralité carbone à la fin du XXIe siècle, nous aurons encore émis autant de CO2 que jusqu’à ce jour. C’est juste mathématique, nous allons doubler la teneur en CO2 de l’atmosphère avant 2100. Comment pourrait-on croire qu’il n’y ait pas urgence ? Nos forêts d’épicéa sont détruites par les scolytes par la faute de sécheresses à répétition. Les incendies détruisent d’autres peuplements mieux adaptés, et même sous les tropiques, les forêts brûlent ! On évoque alors le risque du « grand basculement », qui est le moment où les forêts passent de « machine à transformer le CO2 en bois », à « une machine qui émet du CO2 ». C’est pour ces raisons extrêmement graves que j’appelle à un Protocole de Kyoto 2, pour planter, planter, planter, à une échelle facteur 10 par rapport à Kyoto 1. Kyoto 1 était la solution, mais largement sous-dimensionnée. Et en conséquence, il faudra créer des débouchés économiques pour ces nouveaux matériaux bois produits : construction, énergie, biocarburant, santé, textile, etc. Il est totalement inacceptable, irresponsable voire criminel de continuer à extraire des ressources fossiles, pétrole, gaz et charbon, alors que nous avons des solutions biosourcées pour muter tous ces grands secteurs de pollution et de destruction des écosystèmes.

Construction bois

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