Si la société Silva Fertilis France, entité du groupe français SLB, promoteur d’investissements forestiers, vise en premier lieu pour diffuser son produit Terra Fertilis les milieux agricoles voire forestiers (voir l’encadré ci-dessous), les fabrications de biochar et d’hydrogène de bois de Corbat, Carbon Loop et Airex visent la décarbonation des activités industrielles et de transport, qui sont des marchés gigantesques. Utilisé pour amender les sols en agriculture, le biochar devient un produit extrêmement demandé sur le marché des crédits carbone. « Le biochar se vend entre 700 $ et 1 000 $ la tonne, selon sa qualité et l’utilisation qu’on en fait, mais chaque tonne génère de 2,5 à 3 tonnes de CO2 séquestré dont le prix varie entre 100 $ et 160 $ la tonne, ce qui constitue une plus-value intéressante, très recherchée par les entreprises qui veulent réduire leur empreinte carbone », expliquait le 10 mars dernier Michel Gagnon, le président d’Airex Énergie au journal québécois La Presse. « On s’est associé à un courtier en crédits carbone qui dessert plus de 2 400 grandes entreprises qui ont besoin chaque année d’améliorer leur bilan environnemental », précisait Michel Gagnon. Airex produisait jusque-là du biocharbon à partir de biomasse forestière torréfiée – en quantité relativement modeste – pour fournir du combustible aux centrales thermiques. Sa nouvelle usine de biochar (dont l’implantation n’est pas encore dévoilée), aura une capacité de 30 000 t/an, ce qui en fera la plus importante d’Amérique du Nord. Pour le biochar, la biomasse n’est pas torréfiée mais pyrolysée : sciure et copeaux de bois sont chauffés à plus de 500 degrés en l’absence d’oxygène. « On commence au Québec, mais Suez veut construire rapidement une deuxième usine en France. On prévoit de construire une nouvelle usine par année pour arriver à une production totale de 350 000 tonnes d’ici quinze ans. Dans plusieurs pays, on va aussi utiliser la biomasse agricole pour produire le biochar », a précisé Michel Gagnon au journaliste Jean-Philippe Décarie. L’activité au Québec devrait démarrer en 2024 (l’investissement est de plus de 60 M$). Airex a révélé au journal québécois que sa technologie lui permet également de fabriquer du biocarbone pour la production de biocarburant pour l’aviation et pour remplacer la poudre de coke et l’anthracite dans la fabrication de boulettes de fer, ce qui intéresse les grands aciéristes.
Hydrogène de bois pour l’industrie et le transport
Côté hydrogène, la société H2 Bois SA faisant partie du groupe suisse Corbat a annoncé la construction d’une unité de production d’hydrogène vert à partir de bois à Glovelier sur le site du groupe Corbat (investissement de 11,8 M€), en vue d’approvisionner des industriels régionaux qui consomment aujourd’hui de l’hydrogène gris à fort impact carbone. H2 bois a sélectionné le procédé industriel Hynoca de l’entreprise française Haffner Energy. Fin 2021, Haffner Energy, après avoir conçu, fabriqué et livré à Strasbourg le 17 février 2021 sa première unité industrielle pour la production d’hydrogène Hynoca, avait annoncé le lancement de deux projets de fabrication d’hydrogène à base de bois à Montmarault (03) et à Chambœuf (21), une production sur chaque site de 720 kg d’hydrogène vert par jour (250 000 tonnes par an) étant prévue à partir de l’été 2023 (7 455 tonnes par an de bois devant être utilisés par site (chiffre cité pour le projet de Montmarault), avec une granulométrie maximale P43 et un taux d’humidité de 20-40 %).
Début avril 2023, Haffner Energy a relaté avoir deux nouvelles commandes avec Carbonloop pour produire de l’hydrogène renouvelable et du biochar à partir de déchets de bois. Carbonloop se présente comme partenaire de référence des industriels dans l’accélération de la décarbonation et ambitionne d’équiper d’ici 2023 100 sites industriels en unités de production d’électricité et de chaleur et de faire émerger 100 stations équipées en unités de production d’hydrogène. La société veut donc mettre en service en 2023 deux stations Hynoca à Villabé. La production prévue est de 225 t/an d’hydrogène, 1 100 t/an de biochar (pour une séquestration d’environ 2 400 t de CO2). L’hydrogène produit sera commercialisé auprès de Hyliko (groupe Kouros) qui le distribuera dans son réseau de stations-service pour les poids lourds, tandis que le biochar sera vendu à la filière agricole.
Sylva Fertilis : du biochar dans les plantations
Quand des épisodes de sécheresse succèdent aux plantations, l’assèchement des sols est susceptible d’entraîner la mortalité des plants forestiers, une situation à laquelle les gestionnaires doivent de plus en plus faire face ces derniers temps. Le groupe SLB, implanté en France (1 033 ha), en Roumanie (7 000 ha) et au Brésil (3 630 ha), créé par Stéphane Ledentu, gestionnaire et exploitant de forêts depuis trente ans pour des investisseurs à 80 % européens, a diversifié ses activités au fil des années. Fort de son expérience internationale, et notamment de ses observations faites au Brésil relatives à la « Terra preta », il s’est lancé dans la production 100 % française d’un biochar issu de la pyrolyse du bois, nommé Terra Fertilis, pour un usage en plantation, en jardins mais aussi en forêts. Fabriqué dans l’usine implantée à Argentan en Normandie et approvisionnée en plaquettes forestières, Terra Fertilis a, de par sa structure alvéolaire, des effets de rétention en eau, d’absorption des excès d’eau, d’aération des sols et par là même d’amélioration du stockage des nutriments, qui en font un facilitateur de reprise des plants (tout en stockant du CO2), selon SLB. « Nous avons conduit des études qui montrent que Terra Fertilis garantit un meilleur taux de reprise, augmente la biomasse aérienne de la plante, augmente la longueur racinaire, augmente la capacité d’absorption de l’eau et la conductivité hydraulique du substrat, augmente la rétention de l’azote, a un effet alcalinisant et augmente les populations de micro-organismes ». Terra Fertilis se décline en plusieurs granulométries et en deux solutions, pure et mycorhizée, baptisées respectivement Crescilis et Trillis. Trilis intègre au biochar une souche endo ou ectomycorhizienne adaptable à l’essence plantée, prête à établir rapidement une symbiose avec la rhizosphère. Absorption de l’eau et assimilation des éléments nutritifs sont améliorées pour une meilleure résistance aux stress du plant, observe SLB, qui a testé depuis trois ans sur ses propres forêts notamment son produit innovant. Le produit s’applique au moment de la plantation, sans changement d’habitudes de plantation, pour un effet de deux à trois ans selon la nature des sols pour Crescilis et durant toute la vie du plant pour Trillis. Il faut compter 300 g/plant dans le trou de plantation pour Crescilis (ou 500 kg/ha environ en épandage sur les lignes avant plantation), 50-100 g/plant dans le trou de plantation pour Trillis.