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La demande de bois sera-t-elle au rendez-vous cet automne ?

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Des rapports et des observateurs des marchés constatent que le secteur de la construction affiche une tendance baissière de l'activité, ce qui n'est sans lien avec l'inflation et la hausse des taux d'intérêt. La demande en bois va-t-elle s'en ressentir intensément, sous quels délais, avec quels impacts, alors que les prix des grumes restent hauts ?

Les chiffres de l'US Census Bureau publiés le 16 juin 2022 ont montré le début d’un recul de la construction aux États-Unis. Les mises en chantier de logements privés en mai aux USA sont à moins 14,4 %* en dessous de l'estimation révisée d'avril, à 3,5 % en dessous du taux de mai 2021 pour les mises en chantier de logements privés ; à 9,2 % en dessous du chiffre révisé d'avril pour les mises en chantier de logements unifamiliaux. Les logements privés autorisés par permis de construire étaient à 7 % en dessous du taux révisé d'avril, mais à 0,2 % au-dessus du taux de mai 2021. Est-ce un signe précurseur d’une récession ?

Assurément, si l’on en croit le journaliste financier américain F. William Engdahl, qui a écrit le 21 juin** que « la décision du 15 juin de la Fed d’imposer la plus forte hausse de taux en près de 30 ans, alors que les marchés financiers sont déjà en plein effondrement, garantit désormais une dépression mondiale, voire pire » Pour lui, « l’ampleur de la bulle de « crédit bon marché » que la Fed, la BCE et la Banque du Japon ont créée en achetant des obligations et en maintenant des taux d’intérêt proches de zéro, voire négatifs, depuis 14 ans, dépasse l’imagination ». Il résume : « Aujourd’hui, cette structure financière mondiale fondée sur une dette record commence à s’effondrer ». Il rappelle que depuis janvier 2020, la Fed, la Banque d’Angleterre, la Banque centrale européenne et la Banque du Japon ont injecté un total de 9 000 milliards de dollars de crédit à taux quasi nul dans le système bancaire mondial. « Aujourd’hui, la Fed a commencé à dénouer cette situation et à retirer des liquidités de l’économie par le biais d’un resserrement monétaire, ainsi que par des hausses de taux. C’est délibéré. Il ne s’agit pas d’une erreur d’appréciation de l’inflation par la Fed ». Pour F. William Engdahl, il s’agit de forcer une réinitialisation globale du contrôle des actifs mondiaux, de la richesse, qu’il s’agisse de l’immobilier, des terres agricoles, de la production de matières premières, de l’industrie et même de l’eau.

Peu optimiste, le journaliste écrit encore : « En dehors des États-Unis, ce que nous allons voir maintenant, alors que la Banque nationale suisse, la Banque d’Angleterre et même la BCE sont obligées de suivre la hausse des taux de la Fed, c’est la boule de neige mondiale des défauts de paiement, des faillites, dans un contexte d’inflation galopante que les taux d’intérêt des banques centrales ne pourront pas contrôler. »

Exception ou tendance

Que l’on partage ou non la vision et le pessimisme de F. William Engdahl, on ne peut que prêter l’oreille à des signes précurseurs d’un changement de situation, à l’image de Courrier International, qui s’est emparé des propos du journal allemand Süddeutsche Zeitung formulés le 21 juin dans des termes reproduits ci-après :

« Est-ce l’exception à la règle ou le signe d’un renversement de tendance ? Alors que « les denrées alimentaires, l’essence, les voyages, le logement et des centaines d’autres produits et services sont de plus en plus chers, les prix du bois de construction se sont littéralement effondrés ces dernières semaines », constate la Süddeutsche Zeitung. Le mètre cube coûte « un peu plus de 230 euros sur le marché à terme » mondial, ce qui représente une baisse de 61 % par rapport au mois de mars. Si l’on compare avec les prix d’il y a un an, quand « les poutres, planches et madriers atteignaient parfois jusqu’à 680 euros le mètre cube, la baisse atteint même 66 % environ ».

Cette évolution « est d’autant plus intéressante, relève le quotidien allemand, qu’après le début de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020, les prix du bois ont été parmi les premiers à s’envoler », montrant en quelque sorte la voie « pour tout ce qui allait suivre en matière de prix à la consommation ».

« Des articles d’économistes, y compris dans le journal Le Monde, annoncent une crise financière à venir, à cause des risques multiples au niveau mondial », prévient de son côté Yves Poss, spécialiste de la politique forestière. « Attention donc, pour les scieries, à des prix d’achat de bois qui apparaîtront déraisonnables dès cet automne… avec la crainte que l’effet d’hystérésis, c’est-à-dire d’inertie dans la connaissance des cours de la part des propriétaires et gestionnaires (surtout quand ils leur sont favorables, bien sûr) ne mettent les scieurs dans une situation de ciseaux entre des prix du bois rond excessif et des prix des sciages (et un marché, en général) qui s’effondrent. Il faudra surveiller le marché des États-Unis, tant pour la demande en volume que pour le niveau des prix : car les flux pourraient très vite s’inverser, avec un retour vers la France et l’Allemagne des sciages de Scandinavie, de Finlande, et même du Canada… ». Une conclusion du spécialiste en politique forestière est qu’ « il sera alors confortable d’être plutôt sur des marchés de niches, en « scierie de service », plutôt que sur les marchés mondiaux spéculatifs… ».

Pour l’instant en effet, les prix des grumes restent haut. Le spécialiste des marchés du bois Håkan Ekström notait toutefois que les variations de prix du 4e trimestre 2021 au 1er trimestre 2022 n'ont été que modestes, et ont même été à la baisse en Europe centrale et du Nord. L'indice mondial des prix des grumes de sciage a légèrement baissé au 1er trimestre 2022 selon lui, tout en restant plus haut qu’il y a un an (il avait alors réatteint le sommet d’il y a dix ans), grâce à des enchérissements en un an, du 1er trimestre 2021 au 1er trimestre 2022, de 58 % en Colombie-Britannique, de 33 % en Europe centrale, de 20 % aux Pays baltes… Le spécialiste a ajouté : « D'autre part, l'indice européen des prix des grumes de sciage a légèrement augmenté d'un trimestre à l'autre et a atteint un nouveau record historique de 103,54 €/m3, soit 27 % de plus qu'il y a à peine un an ».

Il a expliqué que le commerce mondial de grumes de résineux a considérablement ralenti au début de 2022 en raison de la réduction des activités de construction et de rénovation de maisons en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Le commerce mondial a chuté de plus de 20 % d'une année sur l'autre, les baisses les plus importantes se produisant dans les importations vers la Chine (-42 %), l'Inde (-32 %), la Corée du Sud (-14 %), et l'Autriche (-14 %).

La filière forêt-bois paraît encore à l’abri en France mais doit certainement se préparer à des changements en tablant sur ses atouts de filière peu financiarisée.

* Taux corrigés des variations saisonnières.

** Article du 21 juin 2022 dont la traduction en français a été publiée par le journal en ligne le Saker francophone.

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