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Les abeilles face au risque toxique

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Les éditions du CNRS éditent « Les abeilles face au risque toxique », ouvrage publié sous la direction de Claude Collet, Jean-Christophe Sandoz et Pierre Charnet.

L’importance des Insectes dans l’écologie terrestre est un fait acquis de longue date, et recouvre des aspects multiples. Celui de la pollinisation en est un, qui a des conséquences techniques et économiques en agriculture. Parmi les insectes, l’abeille tient une place à part, et singulièrement l’abeille domestique ou semi-sauvage Apis mellifera. Les vertus ou fonctions des abeilles sont légion, au point qu’il est difficile de les dénombrer. La production de miel est bien sûr la principale, avec des fins alimentaires et médicales (qu’illustre le concept des « abeilles, pharmaciennes ailées »*). Or des alertes remontant des apiculteurs et environnementalistes divers signalent depuis quelques décennies des chutes de production et des mortalités dans les ruches, qui seraient causées par des agents divers : infestation des colonies par un acarien parasite d’origine asiatique, le Varroa destructor, installé en France depuis 1980 ; intoxication des abeilles par les pesticides épandus sur les cultures butinées, enfin depuis les années 2000 apparition en France du frelon asiatique (Vespa velutina), qui capture les ouvrières pour alimenter ses larves**. Ces considérations préalables expliquent l’utilité d’un ouvrage de synthèse embrassant tous ces aspects et dressant un état de l’art des connaissances et études scientifiques, y compris dans ses développements les plus récents.

C’est à cette tâche que se sont consacrés les coordinateurs de cet ouvrage édité par le CNRS, tous biologistes. Pierre Charnet et Jean-Christophe Sandoz sont directeurs de recherche au CNRS (respectivement à l’Institut des Biomolécules Max Mousseron de Montpellier et au CGCE de Gif-sur-Yvette) ; Claude Collet est chargé de recherches à l’Unité de recherche Abeilles et Environnement de l’INRAe d’Avignon. Ils se sont adjoints, pour traiter certains aspects, une vingtaine de collaborateurs. L’ouvrage est composé de deux parties principales d’environ 150-200 pages chacune, précédées par une préface du journaliste scientifique du journal Le Monde Stéphane Foucart, et d’une longue introduction co-écrite par les trois coordinateurs mettant le sujet en perspective. Deux substantielles annexes ont été ajoutées pour faciliter la lecture de la deuxième partie par les curieux non familiers avec les techniques et concepts récents. Enfin, après une conclusion, une abondante bibliographie d’une cinquantaine de pages conclut l’ensemble avec la table des matières. La première partie, la plus abordable pour les non-spécialistes, est un exposé synoptique du sujet constitué de 10 chapitres. Le premier balaye classiquement l’histoire des études sur les abeilles, depuis l’antiquité (Aristote) jusqu’aux travaux récents, en passant par des savants plus connus comme Darwin qui y consacre quelques pages dans l’origine des espèces (1859) et son contemporain français Jean-Henri Fabre. Dans ce tableau, l’œuvre du poète Maurice Maeterlinck, La vie des abeilles (1922), tient une place unique par sa double qualité littéraire et naturaliste. La diversité des abeilles (près de 20 000 dans le monde) est rappelée dans le second chapitre, suivi des notions de base de l’apidologie et le rôle majeur des abeilles dans la pollinisation (chapitres 3 à 5). Le chapitre 6 résume la réglementation sur les pesticides et l’évaluation des doses sublétales. Les effets des insecticides sur la mortalité, la marche et l’orientation sont décrits ensuite. Le dernier chapitre aborde les modes d’action toxique des insecticides et prépare la partie suivante en donnant les bases scientifiques de l’électrophysiologie, notamment sur les canaux ioniques.

La deuxième partie sera d’une lecture difficile pour les lecteurs moins avertis ou n’ayant pas quelques connaissances fondamentales en biologie. Après un chapitre plus général mettant en relief l’apport de la génomique à l’écotoxicologie – jusqu’alors fondée sur des critères chimiques et physiques – elle traite, en 17 chapitres et près de 150 pages, des échanges ioniques transmembranaires par les canaux ioniques (potassiques, sodiques et calciques). Cette partie se termine par 3 chapitres sur le rôle des récepteurs du système nerveux central dans la chaîne des actions, et sur les molécules impliquées comme neurotransmetteurs. Les coordinateurs ont ajouté deux annexes informatives afin de faciliter la lecture de l’ouvrage, et plus spécialement de la deuxième partie, à un public assez large peu familier avec le sujet. La première traite de la biologie moléculaire et ses techniques (génie génétique), la seconde passe en revue les techniques d’électrophysiologie abondamment citées dans la deuxième partie. La conclusion, signée par les trois coordinateurs, fait ressortir les principaux enseignements de leur exposé, qui sont autant de lignes de force pour l’action car, comme ils titrent cette conclusion, « les enjeux sont sur la table ».

Au final, on est en présence d’une initiative trop rare, émanant de chercheurs soucieux d’offrir à un public varié une synthèse en français sur un sujet complexe qui est devenu un sujet de société, quand trop de travaux scientifiques sont publiés dans des revues anglophones parfois confidentielles, ce qui peut légitimement indisposer le citoyen et le contribuable. Cela relancerait le débat sur les critères d’évaluation de la recherche, qui depuis quelques décennies ne reconnaissent pas ce genre de publication à sa juste valeur. Il faut donc saluer l’effort qui a été fait, tant sur le style dépouillé et clair du texte – autant que le permet une matière malgré tout aride – appuyé par des illustrations en couleur, que par l’inclusion sous forme d’annexes de quelques béquilles pour faciliter l’accès à un public curieux ou moins averti. À qui est destiné cet ouvrage ? En priorité aux chercheurs enseignants, aux étudiants, professeurs, mais aussi aux conseillers ou formateurs d’instituts techniques agricoles, aux apiculteurs professionnels. On peut ajouter à cette liste les apiculteurs amateurs soucieux d’améliorer leur technicité, car cette communauté a été parfois responsable — par des échanges d’essaims non contrôlés — de quelques maux qui affectent maintenant les ruches. Et bien sûr les forestiers !

* Les Abeilles face au risque toxique – Collet Claude, Sandoz Jean-Christophe et Charnet Pierre (sous la direction de) /CNRS Éditions, Paris, 450 pages.

** « Les abeilles, pharmaciennes ailées » est le titre du livre de Naoum Loïriche traduit du russe en 1968 par les Éditions de Moscou.

*** [NDLR] La suspicion porte aussi sur la pollution électromagnétique. Voir l'article « La pollution électromagnétique menace-t-elle nos forêts» dans La Forêt privée n°389/2023.

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