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COP 28 : transition vers quoi ? Le texte final nomme la forêt mais pas le bois

Crédit photo Public domain picture
Le 13 décembre aux Émirats arabes unis, une déclaration a été finalisée par le président de la 28e conférence des parties (COP28) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC), Sultan Al Jaber. Elle ne mentionne pas explicitement le stockage du carbone dans les constructions bois et biosourcées, contrairement à ce qui était attendu d’acteurs de la filière bois, mais par contre les technologies de captage ou les carburants à faible teneur en carbone… susceptibles de consommer du bois. La forêt y est plusieurs fois mentionnée dans les articles traitant de « renaturation ». La construction bois a été par contre mise à l’honneur lors de la COP 28 par une annonce publique du Partenariat des leaders pour les forêts et le climat (FCLP).

Rappelons que l’objectif ultime de la convention-cadre (1) est de « Prévenir les activités humaines « dangereuses » pour le système climatique » [sic]. Le site des Nations unies sur le climat précise encore que la CNUCC « a emprunté une ligne très importante à l'un des traités multilatéraux sur l'environnement les plus réussis de l'histoire (le protocole de Montréal, en 1987) : elle obligeait les États membres à agir dans l'intérêt de la sécurité humaine, même en cas d'incertitude scientifique » [sic]. Le consensus scientifique faisant toujours défaut aujourd’hui concernant les modèles climatiques ‒ en dépit de ce qui est affirmé dans les médias grand public ‒ et les modélisations carbone de toutes les activités humaines étant pour le moins compliquées à réaliser (2), les COP revêtent un caractère éminemment politique.

Les textes se succèdent les uns aux autres depuis 1994 et la COP28, qui s’est déroulée du 30 novembre au 13 décembre à Dubaï dans un pays producteur de pétrole, s’est terminée sur un texte, qui affiche l’objectif d’une « transition » hors de toutes les énergies fossiles, ceci pour la première fois. « Bien que nous n’ayons pas tourné la page de l’ère des combustibles fossiles à Dubaï, ce résultat est le début de la fin », a déclaré le Secrétaire exécutif de l’ONU Changements climatiques, Simon Stiell, dans son discours de clôture. « À présent, tous les gouvernements et toutes les entreprises doivent transformer ces promesses en résultats concrets sur l’économie, sans délai. »

Sur le plan général, le document, qui doit normalement servir de feuille de route à toutes les parties, entérine (article 2) « la nécessité d’une réduction forte, rapide et soutenue des émissions de gaz à effet de serre », « dans l’objectif annoncé de limiter le réchauffement à un maximum de 1,5 °C, par rapport à l’ère préindustrielle ».

Si le texte regorge d’allusions à l’éradication de la pauvreté et à l’amélioration du bien-être des populations lors de cette « réduction forte, rapide et soutenue », celle-ci ne passera pas toutefois par une pression pour l’évitement des guerres, non mentionnée dans le texte, dont il est difficile de nier pourtant qu’elles soient consommatrices d’énergie fossile (en plus de l’être de vies humaines). Inutile d’insister sur le fait que nous vivons des temps absolument cyniques…

Le texte (article 28) « appelle les Parties à contribuer aux efforts mondiaux suivants, d'une manière déterminée au niveau national, en tenant compte de l'Accord de Paris et de leurs différentes circonstances, voies et approches nationales :

a) Tripler la capacité mondiale en matière d’énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030 ;

b) Accélérer les efforts visant à réduire progressivement l’utilisation de l’énergie alimentée au charbon ;

c) Accélérer les efforts à l’échelle mondiale en faveur de systèmes énergétiques à zéro émission nette, utilisant des carburants à zéro ou à faible teneur en carbone bien avant ou vers le milieu du siècle ;

d) Abandonner les combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, de manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, conformément aux données scientifiques ;

e) Accélérer les technologies à émissions nulles ou faibles, notamment les énergies renouvelables, le nucléaire, les technologies de réduction et d’élimination telles que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, en particulier dans les secteurs difficiles à réduire, et la production d’hydrogène à faible teneur en carbone ;

f) Accélérer et réduire considérablement les émissions autres que le dioxyde de carbone à l’échelle mondiale, notamment les émissions de méthane d’ici 2030 ;

g) Accélérer la réduction des émissions du transport routier sur toute une série de voies, notamment par le développement des infrastructures et le déploiement rapide de véhicules à émissions nulles ou faibles ;

h) Supprimer progressivement, dès que possible, les subventions inefficaces aux combustibles fossiles qui ne répondent pas à la pauvreté énergétique ou à des transitions équitables. »

Le texte (article 29) « reconnaît que les carburants de transition peuvent jouer un rôle en facilitant la transition énergétique tout en garantissant la sécurité énergétique ».

On soulignera que « l’amélioration de l’efficacité énergétique » et « l’utilisation et le stockage du carbone » sont recommandés mais sans mention de la construction bois ou biosourcée que des acteurs de la construction attendaient. Les technologies de réduction et d’élimination telles que le captage sont par contre mises en valeur… dont on sait qu’elles lorgnent largement sur le bois !

C’est seulement le Partenariat des leaders pour les forêts et le climat (FCLP) qui a appelé de ses vœux une utilisation accrue du bois dans la construction lors de la COP, par le biais d’une annonce publique (voir l'encadré ci-après).

Annonce publique du FCLP en faveur du bois construction

L’annonce publique publiée à la COP 28 le 6 décembre 2023 par le Partenariat des leaders pour les forêts et le climat (FCLP) s’intitule : « Initiative pour rendre la construction plus écologique grâce au bois durable ». Elle a été élaborée, indique le FCLP, en étroite relation avec Global Alliance for Buildings and Construction (GlobalABC).

Une coalition de 17 pays – Australie, Canada, république du Congo, Costa Rica, Fidji, Finlande, France, Allemagne, Ghana, Japon, Kenya, Corée, Norvège, Pakistan, Suède, Royaume-Uni, États-Unis – a approuvé une déclaration suivante qui stipule :

« Reconnaissant que le bois issu de forêts gérées durablement apporte des solutions climatiques dans le secteur de la construction, nous nous engageons, d'ici 2030 à promouvoir des politiques et des approches qui soutiennent la construction à faible émission de carbone et augmentent l'utilisation du bois issu de forêts gérées durablement dans l'environnement bâti. Ces politiques et approches se traduiront par une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et une augmentation du carbone stocké. »

Il y est précisé que « le secteur public a un rôle important à jouer pour faire avancer l'agenda de la construction écologique ».

La coalition précise aussi qu’elle « a l'intention de travailler avec des partenaires non gouvernementaux pour accélérer de manière responsable l'action et renforcer l'impact dans [différents] domaines dont :

1. La promotion des politiques publiques et des cadres réglementaires favorables à la production durable de bois. Les actions prioritaires sont les suivantes : (i) l'identification, l'élaboration et la mise à jour des réglementations et des systèmes de surveillance des forêts et d'aide à la décision nécessaires pour garantir la gestion durable des forêts et l'approvisionnement en bois associé, ainsi que la sécurité des fibres, et (ii) le partage plus large du système de connaissances avec d'autres pays.

2. La promotion des politiques publiques et des cadres réglementaires qui réduisent les obstacles à l'utilisation accrue du bois dans la construction. Les actions prioritaires sont les suivantes : (i) les marchés publics écologiques et le soutien public à l'adoption par le secteur privé du bois durable dans la construction, (ii) l'élaboration ou la mise à jour du code de la construction, et (iii) les incitations fiscales et/ou l'orientation des gouvernements infranationaux. »

Et la forêt ?

L’article 33 du texte « souligne en outre l'importance de conserver, de protéger et de restaurer la nature et les écosystèmes en vue d'atteindre l'objectif de température de l'Accord de Paris, notamment en redoublant d'efforts pour arrêter et inverser la déforestation et la dégradation des forêts d'ici 2030, et d'autres écosystèmes terrestres et marins agissant comme des puits et des réservoirs des gaz à effet de serre et en conservant la biodiversité, tout en assurant des garanties sociales et environnementales, conformément au Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal ».

Les forêts sont vues essentiellement comme des puits de carbone.

Ainsi l’article 34 focalise sur « la nécessité d'un soutien et d'investissements accrus, notamment par le biais de ressources financières, de transferts de technologies et de renforcement des capacités, pour les efforts visant à arrêter et inverser la déforestation et la dégradation des forêts d'ici 2030 dans le contexte du développement durable et de l'éradication de la pauvreté, conformément à l'article 5. de l'Accord de Paris, notamment par le biais de paiements basés sur les résultats pour les approches politiques et d'incitations positives pour les activités liées à la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, et au rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestier dans les pays en développement ; et des approches politiques alternatives, telles que des approches conjointes d'atténuation et d'adaptation pour la gestion intégrale et durable des forêts, tout en réaffirmant l'importance d'encourager, le cas échéant, les avantages non liés au carbone associés à de telles approches ».

À l’article 55, le texte explique qu’est encouragée « la mise en œuvre de solutions intégrées et multisectorielles, telles que la gestion de l'utilisation des terres, l'agriculture durable, des systèmes alimentaires résilients, des solutions fondées sur la nature et des approches fondées sur les écosystèmes, ainsi que la protection, la conservation et la restauration de la nature et des écosystèmes, y compris les forêts, montagnes et autres écosystèmes terrestres, marins et côtiers, qui peuvent offrir des avantages économiques, sociaux et environnementaux tels qu'une résilience et un bien-être améliorés, et que l'adaptation peut contribuer à atténuer les impacts et les pertes, dans le cadre d'une politique nationale axée sur l'égalité des sexes et sensible au genre. Approche participative, s'appuyant sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles ainsi que sur les connaissances des peuples autochtones et les systèmes de connaissances locales » !

Sans mentionner l’évitement de la guerre, le texte stipule par contre que « le financement, le renforcement des capacités et le transfert de technologies sont des facteurs essentiels de l'action climatique ».

La « transition » attendue rebat les cartes économiques, et les acteurs financiers, notamment réunis dans la Glascow financial alliance for Net-Zero (GFANZ), en sont des « parties prenantes » très actives.

En matière de forêt, qui sait si la principale information ayant émergé de cette COP 28 n’est pas la communication par l’Unesco de son rapport sur l’ingénierie climatique «  Rapport Unesco-Comest sur l'éthique du génie climatique » ? « La proportionnalité nécessite un équilibre entre l’objectif d’une action et les moyens et méthodes utilisés ainsi que les conséquences de ladite action, compte tenu de l’incertitude et de l’ambiguïté liées aux risques climatiques » : outre qu’il reconnaît « l’incertitude liées aux risques climatiques » (si les risques sont par essence incertains, qu’en est-il de l’incertitude sur les risques ?), l’Unesco pointe ici le syndrome d’apprenti-sorcier qui s’est emparé des gouvernants globaux avec le succès du récit sur le changement climatique. Précision de l’Unesco : « L'ingénierie climatique fait référence aux approches d'action climatique qui interviennent directement dans le système climatique et peuvent être classées en deux groupes de techniques : l'élimination du dioxyde de carbone (CDR), qui extrait le dioxyde de carbone émis de l'atmosphère, et la modification du rayonnement solaire (SRM), qui reflète la lumière du soleil et la retourne dans l'espace ». L’Unesco déploie la liste des inconvénients qu'il y aurait à déployer les technologies de climat artificiel (sans retour possible, est-il précisé, pour certaines technologies). Inutile d’insister sur le fait que nous vivons des temps, en plus d’être absolument cyniques, absolument « glaçants »…

(1) La CCNUCC est une « Convention de Rio », l'une des trois adoptées lors du « Sommet de la Terre de Rio » en 1992. Ses conventions sœurs sont la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention sur la lutte contre la désertification (CLD). Pour plus d’information sur le fonctionnement des COP, voir l'article « Biodiversité : des stratégies poupées russes ».

(2) La comptabilité carbone dépend de l’aveu de l’Afnor (communiqué du 5 janvier 2021) d’un langage à créer. Voir l’encadré « Du carbone à moudre » dans l’article « Le carbone va-t-il devenir un produit forestier? »

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