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Géo-ingénierie et feux de forêt

Avion équipé et épandage aux Émirats Arabes Unis.

Crédit photo Uaerep
Jusqu’il y a peu invoquée comme « poumon » de la planète, ou garante du cycle de l’eau planétaire, la forêt voit désormais son rôle de puits de carbone être surtout mis en avant, depuis que le fantasme d’une économie mondialisée du carbone a pris corps. Au motif de la conservation de ce puits, a été justifiée en 2020 une des premières opérations hors expérimentations de modification du temps – tout du moins une des premières rendues publiques – par ensemencement des nuages, en Indonésie. Cette passation de pouvoir, de la forêt régulatrice du climat aux technoscientifiques, mérite d’être soulignée quand le sujet de la géo-ingénierie n’atteint même pas les rives du débat public, et que pourtant nombre de questions se posent, à commencer par celle des pollutions atmosphériques induites. L’intense réflexion sur les moyens de gérer la forêt face à une incertitude climatique ne peut-elle se voir remise en question, et la gestion forestière devenir dépendante de la géopolitique ? Pour angoissante que soit la question, elle ne relève pas de la science-fiction. Quant aux soupçons à propos de feux de forêts induits par des technologies liées à la géo-ingénierie, difficile pour l’instant de savoir s’ils en relèvent ; ils méritent l’attention par principe de précaution.

La géo-ingénierie est « un vaste ensemble de méthodes et de techniques visant à modifier délibérément le système climatique pour lutter contre les effets du changement climatique ». Ceci est la définition du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC). Reste que la géo- ingénierie est plus vieille que le GIEC et a pour berceau les programmes militaires (dès les années 1940) : quoi de mieux qu’une sécheresse ou une pluie diluvienne pour anéantir les récoltes de son ennemi ? Une convention internationale a interdit en 1976 les pratiques de modification du temps à des fins militaires, mais pas à des fins civiles !

Les cristaux d’iodure d’argent

« Des programmes de modification artificielle du temps (notamment pour disperser le brouillard, déclencher la pluie et les chutes de neige et supprimer la grêle sont en cours dans plus de 40 pays de la planète. Depuis qu'on a découvert, à la fin des années 1940, que les cristaux d’iodure d’argent pouvaient former des cristaux de glace en présence d’un peu de vapeur d’eau, les scientifiques se sont attelés à comprendre comment ils pourraient modifier la manière dont l’eau forme les nuages et se déplace au sein de ceux-ci », a écrit Lisa M. P. Munnoz dans son article « L’ensemencement pour infléchir les changements météorologiques à l’échelle planétaire », publié dans le bulletin de l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

De multiples expériences sont en cours en dépit qu’ «il reste que les campagnes fiables coûtent cher et exigent de nombreux nuages tests, ensemencés ou non », signalait en 2017 à la rédactrice de l’OMM Andrea Flossmann, chercheuse de l’Observatoire de physique du globe de Clermont Ferrand (France), membre de l’Équipe d'experts pour la modification artificielle du temps, qui a expliqué que les chercheurs travaillent à l’amélioration des méthodes statistiques. En dépit aussi qu’aucun débat public n’est conduit sur ces techniques et les menaces associées !

Miser sur les ensemencements

«Les principales techniques d’ensemencement des nuages fournissent des noyaux autour desquels des gouttes et des cristaux de glace peuvent se former», a expliqué Roelof Bruintjes, du Centre national de recherche atmosphérique (NCAR) des États-Unis, président de l’équipe d'experts de l’OMM pour la modification artificielle du temps. Il en existe deux types : l’ensemencement glaçogène, qui fait appel à des agents, tels que l’iodure d’argent, qui amorcent la formation de glace dans les «nuages froids» (dont la température est inférieure à 0 °C et qui contiennent de l’eau surfondue), et l’ensemencement hygroscopique qui utilise le plus souvent un sel qui contribue aux collisions entre gouttelettes d’eau et à la production de pluie dans les «nuages chauds». C’est ce dernier type d’ensemencement qui a été pratiqué en Indonésie en mai 2020 et est expérimenté à grande échelle aux Émirats Arabes Unis, tandis que des expériences d’ensemencement glaçogène sont conduites dans les pays occidentaux, États-Unis et Australie notamment.

138,1 mm de précipitations artificielles sur les forêts indonésiennes

« L'Indonésie prend des précautions particulières contre le risque d'incendie de forêt dans les zones de tourbières et tente d'atténuer le risque en ré-humidifiant les tourbières par des activités de modification des conditions météo- rologiques », a annoncé l’OMM le 16 juin 2020. Il s’agit d’une des premières opérations d’ampleur qui n’est pas qualifiée d’expérimentale, et elle concerne les forêts ! La province de Riau, qui est couverte à environ 56 % de tourbières, est très vulnérable aux incendies, selon les scientifiques indonésiens Sigit Sutikno, Ilvi Rahmi Amalia, Ari Sandhyavitri et Almasdi Syahza de l’Université de Riau . Ces écosystèmes fragiles formés au cours de milliers d'années libèrent leur carbone lorsqu'ils sont drainés ou brûlent (parfois intentionnellement pour les plantations commerciales, telles que l'huile de palme ou le bois à pâte).

En 2013-2015, l'Indonésie a connu ses incendies les plus graves depuis quelques années, aggravés par le temps sec provoqué par un phénomène El Niño, et de vastes étendues de l'Asie du Sud-Est se sont retrouvées dans une fumée étouffante. L'histoire, affirment les chercheurs, a prouvé que les incendies des tourbières ne peuvent être complètement arrêtés que par les précipitations. Ainsi le projet d'application de la technologie de modification du temps a-t-il vu le jour...

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