L’épidémie de scolytes dans l’est de la France continue (1), avec probablement désormais deux générations de scolytes par an en montagne, tandis que les sapins de moins haute altitude (__SWYP_INC__ 800 m) sont touchés à leur tour. En forêt publique de Bourgogne-Franche-Comté, les bois sanitaires représentent pour les épicéas communs 75 % des bois désignés (pour être vendus) en 2023, et ils atteignent 62 % pour les sapins pectinés (2). Que faire alors de ces bois ? Les laisser en forêt n’est pas une option, ils attirent d’autres insectes et se dégradent encore plus ; les exporter, en Chine ou en Italie, n’est guère satisfaisant.
Lors d’une journée organisée par Fibois Bourgogne-Franche-Comté le 16 novembre à Mouchard, il était présenté une étude de FCBA montrant que les bois d’épicéas scolytés ont les mêmes propriétés mécaniques que les bois sains (selon les critères CE), se sèchent aussi bien et peuvent donc être utilisés pour la construction, les seuls bémols étant un rendement matière légèrement inférieur, un temps de sciage un peu plus élevé et des quantités de produits de finition un peu plus importantes. Malheureusement, les taches de bleu dues aux champignons qui se sont installés dans les galeries des scolytes dissuadent de nombreux scieurs qui ne trouvent pas preneurs pour ces sciages. D’où l’importance d’expliquer que ces taches n’ont aucun impact sur les propriétés du bois, comme le fait le bureau d’études Teckicea, qui montre l’exemple avec ses nouveaux bureaux à Pontarlier réalisés en mêlant bois sains et bois scolytés.
Quoi qu’il en soit, sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, il faut s’attendre à avoir des bois de crise pendant un certain temps, comme l’a alerté le président de France bois forêt Jean-Michel Servant au colloque Futuropalettes les 27 et 28 novembre dernier : "[...] L’objectif qu’on doit avoir ensemble, en solidarité, c’est d’essayer de les maximiser en valorisation matière (NDLR : les bois de crise) (3)". Même préoccupation pour le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, qui a annoncé lors du Conseil supérieur de la forêt et du bois du 23 novembre des mesures de soutien pour la valorisation des bois de crise, comme l’aide à l’acquisition de kits d'écorçage par les entreprises de travaux forestiers, l’élargissement des rayons d’approvisionnement des centrales biomasse pour les bois de crise qui ne peuvent être valorisés en bois d’œuvre ou en emballage, et le lancement d’une réflexion sur l’organisation de la filière pour la gestion de ces bois "qui vont être plus fréquents du fait du changement climatique".
(1) Selon le bulletin DSF BFC d’août 2023, « les populations de scolytes très élevées dans le milieu préfigurent une poursuite de la phase épidémique au moins jusqu’à mi-2024 ».
(2) 300 000 m3 de sapins et 600 000 m3 d’épicéas atteints.
