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L’engouement pour le châtaignier dope l’activité des entreprises

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Christophe Hémard, au centre, a fait visiter son entreprise.

Crédit photo C. Mérigaud
L’interprofession Fibois Nouvelle-Aquitaine a organisé, le 5 avril, une journée consacrée au châtaignier, troisième essence feuillue française en volume sur pieds. Ses atouts, durabilité et absence de traitement, lui ont permis de gagner des parts de marché.

Une quarantaine de chefs d’entreprise, prescripteurs et représentants de collectivités ont participé à cet itinéraire de découverte de toute la chaîne de transformation du châtaignier, à commencer par l’exploitation d’un taillis de châtaignier à Bussière-Galant (Haute-Vienne) situé à 300 m de l’entreprise Hémard et Vignol spécialisée dans la réalisation d’éléments de clôtures, treillages et équipements pour l’aménagement extérieur.

Cette essence revient de loin après avoir subi des signes de dépérissement en France. En Nouvelle-Aquitaine, elle est implantée sur 267 500 ha, soit plus de 37 millions de m³ sur pied, ce qui en fait l’essence prédominante sur plus de 75 % du couvert selon les données IGN. La canicule de 2003 avait amplifié son dépérissement, d’où les efforts menés par Interbois Périgord, le syndicat des propriétaires et le CRPF pour inverser la tendance. Un plan départemental forêt-bois abondé par la région et le département de la Dordogne a remis en production des parcelles sinistrées et valorisé des peuplements par des essences plus adaptées. Depuis trois ans, les interprofessions pilotent un programme de revalorisation du châtaignier, en partenariat avec FCBA et avec le soutien des entreprises, aboutissant à un techno-guide et au classement d’aspect des sciages. Ces efforts conjoints et continus ont redonné ses lettres de noblesse à une essence délaissée dans les années 2000 en raison de son caractère nerveux. Actuellement, la récolte atteint 175 000 m³ de bois d’œuvre par an en Nouvelle-Aquitaine, soit 49 % de la récolte nationale, plus un volume important de bois d’industrie. Une trentaine d’entreprises employant 350 salariés transforment cette essence qui a retrouvé un intérêt, notamment en aménagements extérieurs. Les carnets de commandes débordent pour les prochains mois, certains professionnels ne pouvant satisfaire de nouveaux clients.

 

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Hémard et Vignol propose 800 références dont la ganivelle, le produit phare.
Crédit photo : C. Mérigaud

 

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Le coup d'œil est requis pour fendre sans gaspiller.
Crédit photo : C. Mérigaud

 

Hémard et Vignol : l’outil de travail saturé

C’est le cas de Hémard et Vignol, créée en 1923 et implantée à la gare de Bussière-Galant. Le bâtiment de la gare a été racheté en 2008 pour accueillir les bureaux et deux ateliers ont été construits en dix ans pour accueillir une ligne de sciage pour les parquets et l’atelier piquets. À la tête de cette entreprise depuis 2000, Christophe Hémard incarne la quatrième génération. L’entreprise propose 800 références de produits exclusivement en châtaignier, piquets, tuteurs, ganivelles, portails, panneaux, lames de terrasse, bardage et parquet.

Elle emploie 40 salariés pour un chiffre d’affaires de 5,5 millions en 2021, en progression. « La demande est assez forte et l’outil de production saturé », remarque le directeur, «on essaie de satisfaire notre clientèle, sans prendre de nouveaux clients. Les collectivités, les paysagistes et les particuliers constituent notre marché. L’export représente 40 à 50 % du chiffre d’affaires constant depuis quinze ans, vers l’Allemagne, la Suisse, la Scandinavie et la Belgique ». La ganivelle, qui représente 35 % de la production, et les piquets sont les principaux débouchés, suivis des clôtures, portails, produits de décoration extérieure où la plus-value est plus importante. L’entreprise ne peut pas accroître sa production, contrainte par un manque de place.

L’usine est enclavée entre la voie ferrée et des habitations et elle peine à recruter. « On travaille en 2x8 sur différents ateliers, il y a des nuisances sonores, on a des inspections de la Dréal», poursuit-il. «C’est compliqué, on fait au mieux. On pourrait déménager mais les investissements seraient importants donc on met en place des mesures antibruit et de sécurité pour améliorer cela. » Chaque jour, 120 à 130 stères sont transformés et une semi-remorque de produits finis est livrée tous les deux jours.

 

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Trois treillageuses semi-automatiques et une automatique sortent 1 km de produit par jour.
Crédit photo : C. Mérigaud

 

La Belgique tête de pont

L’approvisionnement s’effectue dans un rayon de 100 km, 80 % à 50 km voire moins. « Le marché est serré, le prix a doublé en dix ans », analyse Christophe Hémard. « Il ne faut pas que le produit final soit trop cher car ils ne sont pas de première nécessité. On applique donc a minima les augmentations. En un an, la tonne d’acier est passée de 900 € à 1 900 €, nous en achetons 100 tonnes ! »

Le châtaignier est plébiscité en usage extérieur pour ses qualités. « Il est naturellement durable et a trouvé sa place par rapport aux produits traités », assure le directeur. « Nous avons su le développer avec des amoureux de l’essence, comme notre client belge Ward Lootvoet, pionnier en Belgique voilà 35 ans avec son entreprise de produits écologiques du bâtiment Ecomat. Il a fait beaucoup pour l’essor du châtaignier. »

Pour réduire la pénibilité, l’entreprise a investi 100 000 € il y a deux ans dans un robot qui appointe les piquets, sur-mesure et unique, et qui a remplacé des tâches manuelles. Des investissements ont été réalisés avec une nouvelle treillageuse, un débardeur et une récolteuse pour pallier le manque de bûcherons.

 

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Le parc à grumes de Christophe Merle, à gauche, comprend 3 500 stères.
Crédit photo : C. Mérigaud

 

Établissements Merle : six mois de visibilité

Les participants ont ensuite rallié la Dordogne pour visiter les établissements Merle, basés à La Coquille, qui valorisent le châtaignier en sciages, mobilier d’extérieur, signalétique et cheminement. Fondée en 1921, la société a déménagé en 2019 de quelques kilomètres dans l’ancienne usine du fabricant de châssis de scies MEM. « Nous n’étions pas propriétaire sur l’autre site, je voulais assainir la situation et il y a des maisons autour », confie Christophe Merle. « C’est une chance d’avoir trouvé ces locaux car l’activité est débordante. Sans ce déménagement, ce ne serait pas facile de satisfaire la demande. » Les dix salariés suivent un rythme soutenu, au point qu’en 2021 « c’est la première année ou on a tourné à plein, l’outil de travail a atteint 100 % de ses capacités ! » Le chiffre d’affaires s’élevait, l’an dernier, à 1,29 million.

 

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La déligneuse MEM et le chariot à grumes Gillet.
Crédit photo : C. Mérigaud

 

Le parquet, 30 % du chiffre d'affaires

En déménageant, l'entreprise a investi dans une déligneuse MEM quasiment neuve, reconditionnée par la société Aquitaine électrique, et un chariot Gillet, ce qui permet de scier près de 4 500 m³ par an. Le châtaignier pèse pour 70 %, suivi du mélèze (20 %), douglas et peuplier avec un approvisionnement jusqu’à 150 km. Le parc à grumes est plein, avec 3 000 à 3 500 stères, des grumes qui sèchent lentement à l’ombre. « Le châtaignier craint la chaleur », précise Christophe Merle. « Comme ça, il sera bien détendu pour le scier. » Un second parc est prévu. Les grumes sont transformées en parquet (30 % du chiffre d’affaires), plancher grandes largeurs, lames de terrasses, lambris, poteaux et planches, plan de travail, tables de pique-nique et éléments d’aménagements paysagers, soit près de 200 références. « Le carnet de commandes est plein pour six mois, nous prenons très peu de nouveaux clients et gardons un peu de place pour notre clientèle habituelle. Une nouvelle ligne petits bois est prévue fin 2023 ou 2024 pour approvisionner davantage nos clients et s’ouvrir à d’autres, un investissement de 500 000 euros. » Un centre à commandes numériques trois axes Elma fabriqué par ATS-MBBB (Bordeaux) sera opérationnel en mai pour usiner notamment les mortaises. « Cette tâche manuelle sera automatisée, cela libérera un opérateur, réduira la pénibilité, ce qui est l’objectif principal, tout en améliorant la rentabilité » précise le gérant.

 

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La tenonneuse double Friulmac pour une production de 100 m² de parquet par jour à trois opérateurs.
Crédit photo : C. Mérigaud

 

« Les mentalités ont changé »

Pour expliquer cette hausse d’activité, ce dernier pointe la disparition d’entreprises et un travail de fond engagé sur l’utilisation du châtaignier, qui paye. « Nos produits remplacent des bois exotiques ou traités en usage extérieur », constate-t-il. « Les mentalités ont changé, tous nos produits naturels ont la cote. Un produit traité est simple à fabriquer. Pour mettre en avant nos produits, il faut savoir les transformer, ils ont du caractère. Il faut savoir positionner le morceau de bois bien adapté, au bon endroit dans l’arbre, pour qu’il se comporte de façon correcte dans la durée là où il sera utilisé. Il y a un réel savoir-faire contrairement à du pin qu’on scie sans le regarder et qu’on trempe dans un produit vert. Le résultat d’aujourd’hui est le fruit de très longues années de préparation. On a trouvé une symbiose entre les utilisateurs et les fabricants. » De quoi réjouir durablement la filière châtaignier.

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