Beaucoup de choses sont possibles en construction avec le feuillu − et même celui-ci procure des avantages. Or le verrou des prix pourrait sauter dans un contexte de pénurie de résineux. « Les marchés européens des grumes et du bois d'œuvre sont à un tournant », écrivait le 3 mai l’analyste des marchés Håkan Ekström, évoquant la réduction de l'offre d’exportations européennes de grumes de résineux et de bois d'œuvre dans les années à venir suite à la crise des scolytes. L’usage des feuillus en structure ne pourrait-il ainsi connaître un essor ? Jusque-là les projets sont le plus souvent le fruit d’une volonté ferme des maîtres d’ouvrage. Ce fut le cas pour l’usage de frêne et de hêtre pour la rénovation de la patinoire de Porrentruy, un projet innovant porté par le Syndicat intercommunal du district de Porrentruy (SIDP), présenté au Forum construction bois 2022.
Chaque essence pour un domaine bien précis
Après une étude de faisabilité, le Comité de pilotage du projet a retenu les principes suivants : intégrer du bois feuillu (frêne et hêtre) pour la construction des éléments porteurs de la charpente et des locaux intérieurs, utiliser le plus possible de bois massif avec l’essence résineuse (épicéa et sapin), organiser le sciage, le séchage et le collage de son propre bois qui ensuite est remis au charpentier.
« Pour le SIDP, au vu du peu de références et d’expériences pour l’utilisation et la mise en œuvre de son propre bois pour la construction de la patinoire, cette démarche a été un véritable défi à relever. D’une part, pour respecter les règles des marchés publics*, d’autre part pour connaître la quantité de bois nécessaire au projet et sa transformation. Lorsqu’un MO fait le choix d’utiliser son propre bois pour construire ou rénover ces bâtiments, il est important, premièrement de s’adjoindre d’un bureau d’ingénieurs bois, deuxièmement d’anticiper les besoins et la récolte du bois nécessaire ainsi que sa mise en valeur », souligne le rapport administratif final rédigé dans le cadre du plan bois. Une « qualité visuelle et chaleureuse de la construction », une « élégance et une finesse particulière de l’infrastructure, notamment les fermes qui portent la charpente de la toiture », telle est la conclusion architecturale, qui est valorisée par le SIDP et le plan bois.
* Le MO a été conseillé par un bureau spécialisé, Vallat Partenaires SA. La clause des minimis a permis d’organiser tous les appels d’offres du sciage, séchage et collage du bois du MO sur invitation ou de gré à gré.
Un système structurel inédit
Dans sa concrétisation, le projet de la patinoire valorise 4 000 m3 de grumes de bois de la région, utilisés pour la charpente, les parois, la construction de locaux, de dalles et la confection de nouvelles tribunes ainsi que le bardage des façades Les parties réalisées en bois sont visibles dans l’ensemble des parties de l’ouvrage pour lesquelles il est utilisé. Les façades sont également habillées avec du bois régional d’essence sapin blanc. Le développement des structures primaires en toiture a été basé sur une construction hybride réalisée pour les zones statiquement très sollicitées avec du bois collé de frêne et pour le reste du bois collé d’épicéa (les deux bois ayant des variations dimensionnelles similaires). Du bois équarri pour la réalisation des pannes-chevrons a été employé. D’une portée d’environ 7 m, leur entraxe a été calculé en fonction des sections pouvant être réalisées avec les grumes à disposition.