Recevoir la newsletter

Magazine

Paris / Forum franco-québécois : le bois utile à toutes les échelles

Image

Le 3e Forum franco-québécois bois et forêt organisé par la Fédération nationale des communes forestières (FNCofor) s’est tenu du 2 au 4 novembre à Paris. Dans la perspective de la COP 21, le forum avait centré ses débats sur le rôle de la forêt et du bois dans la lutte contre le changement climatique. L’après-midi du 3 novembre était consacrée au bois et à toutes ses nouvelles valorisations, du bois massif à la cellulose.

Le bois peut être utilisé sous différentes formes : les fibres, les fibrilles, les microfibrilles, les nanofibrilles, et même les molécules, lignines et hémicelluloses. Il peut être réduit en poudre servant à fabriquer des filaments (pour l’impression 3D) ou à remplacer le plastique… La baisse de la consommation du papier a boosté les recherches de valorisations nouvelles pour le bois de trituration qui dépassent maintenant largement ce simple cadre.

Le bois, un matériau biosourcé

De nombreux produits utilisés pour l’isolation thermique et acoustique, dans le bâtiment l’aéronautique ou l’automobile, sont à base de polymères dérivés du pétrole et peuvent être remplacés par des mousses à base de fibres ou de poudres, a expliqué Jean Hamel, vice-président de FPInnovations, l’institut de recherches forestières canadien ayant son siège social au Québec. On peut décomposer le bois de multiples façons jusqu’au stade moléculaire et créer de nouveaux produits répondant à de nouveaux marchés.
Mais attention, les investissements sont considérables : la première usine mondiale de filaments cellulosiques créée en alliance avec Kruger a coûté 45 millions de dollars, le projet de la première usine de cellulose nanocristalline par Celluforec et Domtar coûtera 43 millions de dollars, et la première usine de séparation de la lignine sous licence avec WestFraser plus de 10 millions de dollars !
Ce sont des investissements qui représentent de grands défis pour les rentabiliser en termes de valeur ajoutée, du fait des procédés de fabrication sophistiqués et de l’intégration des matériaux dans des chaînes de valeur complexes (par exemple il a fallu 30 ans pour mettre au point la fibre de carbone utilisée dans les Boeing 787). Il vaut mieux donc viser des marchés à la fois importants et rapidement accessibles.
Des recherches similaires se mènent en France à FCBA. Gilles Labat, responsable recherches chimie et matériaux biosourcés, travaille entre autres sur les Wood Polymer Composites (WPC) à base de farines et fibres de bois. La production de ces matériaux atteint 250.000 tonnes en Europe, 1.300.000 tonnes aux USA et 900.000 tonnes en Chine. Ils sont utilisés en substitution des thermoplastiques, pour des objets ou des meubles (exemple : chaises IKEA) ou encore dans le bâtiment, pour les platelages et les bardages (exemple : Einwood, invention japonaise). Les taux rencontrés sont de 50% à 70% de bois dans les thermoplastiques. FCBA intervient dans la qualification et la certification de ces matériaux biosourcés pour le bâtiment.
Au niveau des innovations en cours, l’institut technologique FCBA travaille aussi sur de nouvelles colles biosourcées à base de lignine en substitution des colles à base de formaldéhydes.

Le bois se recompose sous de multiples formes

La poudre de bois a servi à fabriquer des filaments qui sont utilisés dans l’impression 3D, l’une des grandes révolutions industrielles de ces dernières années (dans laquelle la France a failli avoir une place essentielle, en étant la première à déposer en 1984 un brevet qui fut abandonné par la suite !) a expliqué Latino Loureiro Morais de la direction innovation du FCBA. Le marché pour ces technologies est de 4,4 milliards de $ en 2014 et devrait atteindre 17 milliards de $ en 2020 ! IL existe deux procédés de fabrication de filaments utilisant le bois : les filaments composés de polymères et de poudre de bois recyclé (pour 30 à 40%) et les filaments à base de lignine (Biofila, procédé allemand). Il y a de nombreux travaux de recherche sur la valorisation du bois sous des formes non classiques comme les matériaux composites poudre de bois-polymères où le bois améliore les propriétés mécaniques du mélange (traction/flexion) ; des nanogels pour la construction, et le projet finlandais DWOC qui tend à fabriquer des filaments à base de cellulose et déchets de cellulose et de réutiliser les machines à papier pour la fabrication de textiles à partir de ces filaments.

Des molécules pleines de ressource

Les hémicelluloses sont le troisième composant de la fibre de bois, longtemps considéré comme le parent pauvre. Or elles ont des propriétés à la fois hydrophiles et hydrophobes qui sont recherchées pour de nombreux produits, a expliqué Denilson Da Silva Perez (FCBA). Mais attention, ce sont des recherches qui doivent aller vite, a-t-il alerté, car la compétition est ouverte avec les pays émergents, Chine, Brésil… où ils n’hésitent pas jouer avec la génétique, planter des eucalyptus enrichis en lignines… et développent des technologies de moins en moins dépendantes de la fibre ! Le challenge pour les produits biosourcés est de faire mieux que les produits pétrosourcés : efficacité identique à minima, coût acceptable, avoir un impact environnemental plus favorable… Et l’utilisation d’outils pour les promouvoir, tels les ACV est loin de faire l’unanimité.
La liqueur noire (sous-produit de la fabrication de la pâte à papier) est une ressource en lignine très intéressante d’autant plus que les lignines sont multiples et diffèrent selon la ressource et selon le mode d’extraction, a expliqué Tatjana Stevanovic, de l’université de Laval, au Québec. Son unité de recherche a mis au point un procédé organosolv d’extraction à partir de peuplier faux tremble, valorisant ainsi une ressource abondante localement. La lignine obtenue est très pure (très peu de cendres et pas du tout de sucres résiduels) et peut être «bobinée». Les applications potentielles sont la fabrication de fibres de carbone, utilisables pour l’aéronautique si les propriétés mécaniques se révèlent adéquates, mais aussi pour le textile haute qualité comme isolant thermique…
Autre molécules issues du bois, les composés phénoliques, qui ont des propriétés bioactives. Ils entrent dans la composition de deux produits phares : le pycnogénol, extrait des écorces de pin maritime (ou des rémanents) et le HMR, complément alimentaire antioxydant extrait des nœuds d’épicéa.
La lignine Kraft, sous-produit de la pâte à papier (un potentiel mondial de 65 millions de tonnes !), peut être utilisée comme agent dispersif en agriculture ou comme produit énergétique.
Les tannins de bois (notamment du châtaignier) peuvent aussi être introduits dans l’alimentation des bovins pour réduire les gaz à effet de serre qu’ils émettent lors de leur digestion (une importante source d’émission).
On va bientôt fabriquer des pneus avec du bois ! titrait le journal The Gardian. La fabrication de caoutchouc synthétique se fait en effet aujourd’hui à partir de butadiène, un sous-produit du raffinage du pétrole que l’on cherche aujourd’hui à économiser. Les industriels comme Michelin cherchent donc des produits de substitution, comme l’éthanol de 2e génération produit à partir du bois.
"Le Forum est une pépinière d’idées pour développer le bois en mode solution climat" a déclaré Laurent Lessard, ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, en conclusion. Il a annoncé la décision prise avec la Fédération des communes forestières de la prolongation des échanges franco-québécois et d’initier un "réseau Francofor – Pôle d’excellence franco-québécois bois et forêt dans un contexte de lutte contre les changements climatiques".

Nathalie Jaupart-Chourrout

Charpente

Construction bois

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15