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Observatoire du métier de la scierie : l'horizon 2025 en point de mire

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Le 15 novembre, dans la Loire, l’Observatoire du métier de la scierie organisait le séminaire de restitution final de ses travaux sur l’avenir du secteur à l’horizon 2025. Pour l’occasion, près de 70 professionnels de la filière forêt-bois étaient réunis pour débattre et échanger dans les locaux du fabricant d’outils coupants MFLS Forézienne.


Les professionnels de la première transformation présents le 15 novembre à Épercieux-Saint-Paul, dans la Loire, étaient réunis pour restituer leurs travaux sur l’avenir du secteur à l’horizon 2025. Autour de Maurice Chalayer, animateur de l’Observatoire du métier de la scierie (OMS), une quarantaine de scieurs et les principaux constructeurs français de matériels pour la transformation du bois étaient rassemblés pour tirer le bilan de leurs échanges lancés en début d’année (1). «Nous sommes passés de plus de 5.200 scieries en 1980 à 1.500 aujourd’hui. Cette perte de 1.100 scieries par décennie s’est accompagnée depuis la crise de 2008 d’un recul de 1,5 million de m3 du volume de sciages», expliquait Maurice Chalayer lors de sa synthèse de l’étude conduite par l’OMS. «Résineux et feuillus confondus, nous scions à présent un peu plus de 8,2 millions de m3 par an, ce qui nous place au cinquième rang des pays producteurs de sciages en Europe, loin derrière l’Allemagne et ses 22,8 millions de m3 . Est-il possible de regagner le volume de sciages que nous avons perdu depuis la crise pour atteindre à nouveau le seuil symbolique des 10 millions de m3 à l’horizon 2025 ?»


Une vision prospective

Le décor planté, les intervenants à la tribune et les professionnels dans la salle pouvaient échanger sur les causes du retrait de ce volume de sciages et les freins à lever pour tendre vers l’hypothèse formulée dans le cadre de leurs travaux. Érosion des effectifs, volumes perdus par l’arrêt de scieries, peu de reprise d’entreprises, difficultés de recrutement, tempêtes et crises sanitaires en forêt, difficultés d’approvisionnement, frilosité des établissements financiers... la liste est longue ! Qu’ils soient conjoncturels ou structurels, internes à la filière ou résultent de facteurs extérieurs, tous ces paramètres ont été listés dans les travaux des membres de l’OMS.

Ils se sont ensuite appliqués à mettre en face des solutions pour tenter de les dépasser. «Chaque mètre cube que nous perdons est une porte d’entrée pour des volumes venus de l’extérieur», soulignait au préalable Maurice Chalayer. [...] «Au rythme actuel de disparition des scieries, leur nombre pourrait ne pas excéder les 1.000 entreprises dans un futur proche.» Partant de cette analyse, l’OMS a établi une vision prospective des volumes qu’il faudrait envisager de produire afin de valider l’hypothèse d’un retour au seuil de 10 millions de m3 de sciages à l’horizon 2025. « L’ensemble du secteur a des cartes à jouer et chacun a sa place, de la scierie artisanale à la scierie industrielle», ajoutait Maurice Chalayer. «Plusieurs segments de marché peuvent être investis pour regagner ce volume. Sur le bois rabotés par exemple, alors que la consommation en France s’élevait à 1,6 million de m3 en 2015, le sciage français n’en produisait, entre parenthèses, que 685.000 m3. Même chose pour le bois collé avec une consommation de 362.000 m3 pour une production de 122.000 m3. Sur ces produits techniques, les performances de la filière sont en- core relativement faibles et peuvent être développées».


Ressource : quelle disponibilité ?

Pour pouvoir travailler sur des pistes de développements de la production, il apparaît important d’avoir une vision précise de la ressource disponible et des possibilités de la mobiliser. «La forêt métropolitaine peut fournir les bois supplémentaires pour atteindre l’objectif de production de 10 millions de m3 de sciages par an d’ici 2025», expliquait Yves Poss, ingénieur général honoraire des Ponts, des Eaux et des Forêts. «Les études récentes de disponibilités le montrent. Mais la disponibilité n’est pas l’offre. On ignore si les propriétaires vont, ou non, mettre un lot de bois en vente. C’est aux acheteurs d’apprécier, dans leur zone d’approvisionnement, ce comportement, et son évolution possible. Il faut aussi noter que les disponibilités sont évaluées dans les conditions actuelles du marché et de la technique. Celles-ci peuvent changer à l’avenir. Lorsqu’on regarde les chiffres, il apparaît que le volume de bois qui entre en scierie est inférieur au volume estimé. On peut donc supposer qu’une certaine proportion doit «partir» en énergie ou en industrie. N’y aurait-il pas des volumes à récupérer de ce côté-là ? Les résultats des dernières études font état d’une disponibilité supplémentaire de gros bois résineux, de quelque 3 millions de m3 par an, qui devrait croître à l’avenir, et d’environ 500.000 m3 pour les feuillus, surtout du chêne (291.000 m3), à sylviculture inchangée. Pour accroître encore les volumes disponibles, nous savons donc que cela passe par une sylviculture plus dynamique et que la ressource se trouve d’abord dans les propriétés privées de moins de 25 ha.»

Une analyse que Maurice Chalayer n’a pas manqué d’illustrer par un exemple glané lors d’une réunion organisée dans le Sud-Ouest de la France par l’Observatoire du métier de la scierie (2). «Dans les Landes, les scieurs se sont adaptés à la pénurie de bois moyens en allant chercher des gros bois chez les propriétaires de petites surfaces.» Des lectures du contexte dans les territoires qui pour certaines pouvaient d’ailleurs permettre en partie d’éclairer quelques situations au plan national, à l’image de la présentation sur la politique de développement des scieries en Auvergne- Rhône-Alpes de Nicolas Stach, du service de la forêt, du bois et des énergies de la Draaf Aura. «En 2018, il y avait un peu moins de 350 scieries en Auvergne- Rhône-Alpes. Bien que le nombre d’entreprise ait diminué depuis plusieurs années, je note que le volume de sciages a beaucoup moins baissé pour sa part, ce qui veut dire que les scieries ont gagné en productivité.»

Un point que l’intervention de Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB), allait pouvoir mettre en perspective en présentant la vision de l’évolution du secteur de l’organisation professionnelle. «On observe que la concentration a plutôt tendance à s’accélérer. Dans la transformation du chêne, 88 scieries produisent 70% du volume de sciages pour un total de 503 entreprises. Pour le hêtre, 22 scieries sur 219 réalisent 70% du volume. Au global, il y a environ 250 scieries qui produisent 70% du volume total de sciages en France», expliquait-il. «Indépendamment de la taille de chaque entreprise, c’est un paramètre très important à prendre en compte pour pouvoir analyser la concurrence existante dans chaque bassin d’approvisionnement et déterminer la pression sur la ressource. Dans les dix prochaines, il y aura vraisemblablement entre 100 et 150 entreprises qui feront 70% du volume. Pour les résineux, la consommation est de 0,13 m3 par habitant et elle est 7 fois moindre en feuillu, avec 0,02 m3 par habitant.» Une différence qui s’explique par des marchés essentiellement tournés vers l’exportation pour les bois feuillus, et qui justifie donc de dissocier l’analyse des deux secteurs de la première transformation si l’on se situe dans l’optique d’une augmentation du volume de sciages à l’horizon 2025.



Sciages : la consommation repart

«La crise de 2007 a fait chuter la consommation de bois en France de 30%. Le bois français a mieux résisté avec une perte de 20% et nous ne remontons la pente lentement que depuis 2015», poursuivait Nicolas Douzain-Didier. «Pour pouvoir gagner demain, il faut donc d’abord que le bois gagne, avec l’espoir bien sûr que le bois français gagne un peu plus vite. Dans la bataille face aux autres matériaux, nous avons affaire à des entreprises d’une force économique importante, comme nous pouvons le constater actuellement avec les lobbies qui s’intéressent à des chantiers symboliques pour la filière comme la construction du village olympique des JO 2024 ou la rénovation de la charpente de Notre-Dame de Paris. Dans ce contexte, revenir à 10 millions de m3 de sciages suppose d’atteindre 0,17 m3 de consommation par habitant. Nous avons certes la chance d’être dans un pays où la population progresse, mais cet objectif à atteindre d’ici 5 ans me semble tout de même très ambitieux. Au regard du rythme de croissance que nous avons retrouvé depuis 2015, l’échéance dans ce cas se situerait plutôt aux environ de 2035 qu’en 2025.»

Un objectif qui semble d’autant plus ambitieux lorsqu’on prend en compte la crise sanitaire que subit actuellement la forêt et qui impacte déjà une production de sciage résineux composée à 60% de bois blancs (environ 2 millions de m3 de bois scolytés cette année en France et 150 millions de m3 à l’échelle européenne). Pour la FNB, une augmentation du volume de sciage passerait aussi par la montée en gamme de l’offre française. «Une hausse de 1% en sciage induit une progression de 10% en produits techniques», soulignait Nicolas Douzain-Didier. «Cela suppose des moyens financiers importants», ajoutait le délégué général de l’organisation professionnelle, qui rappelait au passage que la scierie investit en moyenne 375 millions d’euros par an, avec un taux d’aide faible rapporté à cette somme. Il s’agit à n’en pas douter d’un des points forts du secteur, complémentaire de la capacité qu’il a eu à se diversifier au cours des der- nières années. Il y a quinze ans, 70% des entreprises de première transformation étaient tournées exclusivement vers la production de sciages. Aujourd’hui, la proportion s’est inversée et 70% des scieries ont développé des activités complémentaires (négoces, fabrication de granulés de bois, etc.). Nul doute qu’à l’avenir ces entreprises seront encore appelées à innover et à imaginer de nouvelles solutions pour pérenniser leurs activités et leurs savoir-faire. Des savoir-faire que l’OMS s’applique d’ailleurs également à valoriser au cours de ses journées de travail, avec la diffusion le 15 décembre du film d’Hervé Haon, «l’Appel de la forêt», un documentaire dans lequel le réalisateur propose «de suivre le trajet d’une bille de bois de la forêt jusqu’à la scierie» (3).


(1) Lire par ailleurs : «Observatoire du métier de la scierie : vers 10 millions de m3 de sciages en 2025 ?», dans Le Bois International n° 11 du samedi 23 mars 2019.

(2) Lire par ailleurs : «L’avenir des scieries landaises en questions à Mimizan», dans Le Bois International n° 23 du samedi 22 juin 2019.

(3) Pour commander le documentaire «l’Appel de la forêt», un film d’Hervé Haon, contactez Valérie Mainchain : 06 18 32 52 42 – https://vimeo.com/318228179 – www.facebook.com/ LappeldelaForetHaon/

Photo : 70 professionnels de la filière forêt-bois étaient réunis pour débattre et échanger dans le cadre de l’Observatoire du métier de la scierie sur l’avenir du secteur à l’horizon 2025.

Voir notre édition verte, Le Bois International, Scierie, exploitation forestière N°41…

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