Les Compagnons du Devoir, Biesse et Leitz se lancent un défi pour emmener les artisans de la filière bois dans le numérique. C’est à Muizon, dans la Marne, que ce partenariat a été scellé le 11 décembre dernier.
Le partenariat de l’artisanat d’excellence et de la technologie de pointe est en route depuis décembre à Muizon, près de Reims, chez les Compagnons du Devoir. «Les bâtisseurs de cathédrales» excellent dans tout ce qu’ils entreprennent. Depuis des siècles, nous transmettons les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être grâce aux valeurs du compagnonnage qui sont inculquées aux jeunes en formation avec comme devise «Ni se servir ni s’asservir, mais servir» précise Hervé Pointillard, leur délégué régional.
Biesse France a misé sur ce savoir-faire plusieurs fois centenaire pour pousser dans leurs retranchements ses machines à technologie numérique. «Nous connaissons les Compagnons du Devoir depuis longtemps et tissons des liens avec les Compagnons présents auprès de nos clients. Ils nous surprennent par leurs connaissances du métier, ils ont su faire évoluer leur métier qui est aujourd’hui en phase avec le nôtre. Ce sont de véritables professionnels experts dans leur domaine», explique Laurent Maziès, directeur de Biesse France.
L’outilleur Leitz France, représenté par son directeur Rémy Barb, s’associe à ce partenariat en apportant de l’innovation au service de la tradition. C’est donc à Muison-en-Marne, dans les locaux des Compagnons du Devoir, que ce partenariat a pris officiellement forme le 11 décembre dernier. Un partenariat qui se veut gagnant-gagnant pour les trois parties. «Tout a commencé dans un salon professionnel, mais l’idée de pousser l’artisanat vers la technologie numérique a été bien réfléchie par le biais des études et recherches menées auparavant par l’Institut européen de la menuiserie, de l’agencement et ébénisterie (IEMAE)», explique Nicolas Digaire, son président.
Des engagements ambitieux pour un saut dans le numérique
Les engagements pris par les trois partenaires sont expliqués en huit points par Hervé Pointillard :
- attirer la nouvelle génération de jeunes vers nos métiers et les pousser à utiliser le numérique dans leur futur métier ;
- garantir une mise à disposition de technologies hautement qualifiées : centre d’usinage à commandes numériques Biesse, ainsi que la dernière génération d’outillage Leitz qui améliorent et valorisent les compétences techniques et la connaissance des procédés et des matériaux ;
- promouvoir les outils numériques mis à disposition pour les apprentis, les jeunes en perfectionnement sur le tour de France et des salariés d’entreprises dans la filière bois ;
- organiser des sessions d’information aux innovations techniques à destinations des utilisateurs et futurs utilisateurs de ces outils (conférences, démonstrations, portes ouvertes, journées techniques) ;
- accompagner les entreprises dans leur organisation autour de l’acquisition d’un centre d’usinage ;
- mettre en place un «Challenge» pour les jeunes en perfectionnement sur le tour de France autour des usinages 5 axes ;
- avoir un échange régulier entre les partenaires sur les différentes possibilités d’amélioration de l’outillage (logiciel, machine, outil) et des formations afférentes ;
- réaliser des formations courtes de différents niveaux (initiation, perfectionnement, maîtrise) orientées usinage bois massif, panneaux suivant la demande.
C’est pour répondre à ces ambitions communes que le projet s’est mis en place. Quant à la question de perdre l’image de la tradition des Compagnons du Devoir, ses représentants sont persuadés qu’il faut bousculer ces traditions pour justement faire vivre leurs métiers qui ont besoins d’évoluer tout en évitant justement de s’endormir sur leurs lauriers.
La Rover A à 5 axes de Biesse pour donner la forme au bois
Le centre d’usinage à commande numérique à 5 axes est équipé d’une électrobroche HSD de 13kW et d’un dispositif de rotation à 360 degrés en continu sur l’axe vertical et l’axe horizontal. La CN permet d’effectuer l’usinage de pièces aux formes complexes, garantissant qualité, précision et fiabilité dans le temps. Cette unité fonctionne déjà depuis près de trois semaines dans les ateliers de Muizon. La prise en main semble déjà acquise par l’opérateur Alexandre Wasquez sous l’œil bienveillant de Jean-Michel Zuler, formateur chez Biesse France. «Dans la prise en main, ils sont performants, volontaires et enthousiastes pour se perfectionner», résume Jean-Michel Zuler. Quant à Alexandre Wasquez, opérateur de la machine et futur formateur des Compagnons du Devoir, il note : «Je suis ici depuis mai dernier et j’ai sauté sur l’opportunité qui m’a été offerte pour opérer sur une telle machine et ce n’est que du bonheur car elle est facile à manier et supprime toutes les tâches ingrates du travail du bois. Dommage qu’on l’ait pas eue plus tôt !» En deux semaines de formation, l’opérateur semble bien à l’aise au moment de la démonstration dans l’usinage d’une pièce de bois. «Pour le bois massif, on doit lire sa pièce de bois avant de l’usiner et tenir compte du sens de l’usinage et de la densité du bois utilisé puis agir sur les variables de l’usinage même après le lancement de la fabrication de la pièce», explique Alexandre Wasquez. C’est d’ailleurs avec un grand succès qu’un groupe de Compagnons a travaillé pendant 32 heures pour réaliser un assemblage, fort réussi de par son design, symbolisant les trois partenaires du projet avec trois essences de bois ; le frêne, le padouk et le wengé.
Un partenariat gagnant/gagnant
Les partenaires se sont succédés pour expliquer leur volonté d’aller de l’avant dans ce partenariat et tout le monde s’accorde sur la nécessité de faire évoluer les métiers du bois. Jeremy Mosnier, vice-président de l’association des Compagnons du Devoir note : «Notre métier évolue. On doit former les hommes et les femmes pour travailler avec les outils de demain en recherchant l’innovation pour conforter le devenir de nos métiers». Laurent Maziès précise : «En choisissant les Compagnons du Devoir comme partenaire, on recherche ce qu’on est capable de faire avec nos outils industriels en les poussant dans leurs retranchements. On a mis notre technologie dans les mains des connaisseurs pour faire des formations d’excellence en faisant un challenge d’attirer plus de jeunes». Rémy Barb explique : «On s’associe à ce partenariat pour promouvoir le numérique, le passage à des usines et des métiers ʺintelligentsʺ avec des outils performants et rapides. L’innovation est dans la possibilité d’intervenir «en temps masqué» au moment de l’usinage pour adapter la vitesse et la direction de coupe selon la perception de l’opérateur». Pour Loïc Vasquez, représentant national des Compagnons du Devoir des menuisiers et ébénistes, «on vit une révolution dans notre façon de travailler la matière qui est appelée à évoluer car le champ du possible devient infini dans le moindre recoin de nos métiers et la jeunesse nous pousse sans cesse à ce qu’il y a de meilleur».
L’engagement est ainsi pris par tous les partenaires de ce projet ambitieux pour pousser vers le haut la filière bois à travers les artisans et entreprises qui s’engageront dans l’innovation par le numérique. Pour cela, l’accès à tous les niveaux et types de formations à ces outils innovants est le seul moyen d’arriver à la performance recherchée. Les Compagnons du Devoir et leurs partenaires sont conscients de ce qu’ils peuvent tirer de ce défi commun pour démystifier le numérique auprès des artisans des métiers du bois.
De notre correspondant
Saïd Belkacem
