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1re transformation / État de grâce pour les produits connexes de scierie ?

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Les PCS (produits connexes de scierie) représentent un chiffre d’affaires de moins en moins négligeable pour les scieries. Un chiffre d’affaires bienvenu en période de tension sur les prix mais pas seulement. La scierie va-t-elle en devenir dépendante ? Produire du PCS sera-t-il une activité en soi ?

Il y a moins de vingt ans, les patrons de scierie ne savaient que faire de leurs déchets issus du sciage. À part les traditionnelles croûtes et délignures (conditionnées dans les célèbres fagots) dirigées vers la filière historique de la trituration (panneaux et pâte à papier), sciure et écorce étaient le plus souvent mises en décharge dans un coin reculé de la scierie, voire brulées à ciel ouvert, incinérées ou encore données aux agriculteurs, paysagistes, viticulteurs… par des scieurs heureux au final de ne pas avoir à payer l’enlèvement de leurs déchets…
À présent, les choses ont évolué. Les déchets (sciure, écorce et plaquettes) sont devenus des produits connexes de scieries (PCS). Ces derniers ont leur lieu de stockage dédié où les chargeurs à godet rentrent facilement afin de remplir ensuite les semi-remorques qui défilent dans les scieries. La filière production d’énergie demande une matière première (plaquettes, sciure) afin d’alimenter des chaudières domestiques, collectives et leurs réseaux de chaleur de plus en plus voraces.
Résultat un prix non négligeable. Des PCS qui ont même acquis une mercuriale établie par le CIBE en collaboration avec le CEEB. À titre indicatif au début de l'année, le prix moyen hors taxes à la tonne, camion départ scierie, se fixait à 45,8 euros pour la plaquette de scierie, 12,9 euros pour l’écorce brute des feuillus, 25 euros pour l’écorce brute de résineux, 35,7 euros pour les sciures de feuillus et 43,5 euros pour les sciures de résineux. Afin de situer l’évolution des marchés, on peut préciser qu’au sujet de la valorisation de la sciure, la consommation européenne de granulés a triplé entre 2006 et 2012, passant de 4,6 à 14,3 millions de tonnes, tandis que la production a triplé de même passant de 3,5 à 10 millions de tonnes, les importations de granulés, elles, ont été multipliées par 5.
Avec l’explosion de la production d’énergie alternative, le bois et en particulier les PCS sont passés de 221.000 tonnes pour les écorces et sciures en 2005 à 1.461.000 tonnes en 2013, soit une augmentation de 561% ; 557.000 tonnes pour les plaquettes de scierie en 2011 à 1.164.000 tonnes en 2013 soit une augmentation de 109%. Aux PCS non destinés à la trituration, il convient d’ajouter la part montante des produits consommés en interne par les scieries pour la production d’énergie, en particulier pour le séchage artificiel du bois : 150.000 tonnes en 2005 et 231.000 en 2013, soit 54% d’augmentation.
À l’inverse, la production de PCS destinés à la trituration chute. Le volume de plaquettes commercialisées passe de 3.411.000 tonnes en 2005 à 2.493.000 tonnes en 2013 soit une baisse de 27%. La même tendance à la baisse est enregistrée pour la sciure qui passe de 1.045.000 tonnes à 694.000 tonnes en 2013, soit une baisse de 34%. Cependant et même si la part de PCS destinée à la trituration baisse en presque une décennie, il n’en demeure pas moins que cela reste un volume important et donc un revenu non négligeable pour les scieries.
La scierie est-elle dépendante des PCS ?
Les derniers chiffres de l'Agreste portant sur une étude de 2013 montrent que si la part des PCS destinés à la trituration reste majoritaire avec 38,5%, la part des PCS à destination de la production d’énergie représentait près de 35%, auxquels il faut ajouter les 27% de PCS hors destination trituration et énergie.
Au final, des volumes représentant des gains financiers supplémentaires. On serait donc passé de quelques pourcents hier à environ 15% du chiffre d’affaires aujourd’hui. L’Observatoire du métier de la scierie a voulu vérifier cette information en questionnant six scieries de taille et de production différentes.
À la lecture des données des retours de six scieurs sur ce sujet, il s’avère que les scieries de résineux sont plus proches du chiffre moyen de 12% du CA que de 15%. Avec une moyenne de 5,5% du CA, les scieurs de feuillus sont très en dessous de la moyenne constatée dans le résineux. La raison évoquée par les scieurs est la moindre rémunération des PCS feuillus, mais aussi le fait qu’un des deux scieurs réalise un certain volume de plots, donc bien moins de PCS au bout (écorce et sciure). Il est intéressant aussi de noter la part moyenne du PCS dans les chiffres d’affaires : 5% destinés à l’énergie, 2,6% destinés aux panneaux et 4,3% destinés à la pâte à papier. On peut noter également que d’autres utilisations sont faites aux PCS : les écorces en direction du paillage, du terreau…, les sciures en direction d’agrégats dans du béton, de l’argile, en fonderie…
À partir de ces constats, on peut se demander si la scierie est désormais dépendante des PCS. Une dépendance que les scieurs interrogés confirment pour deux raisons. La première : les PCS sont aujourd’hui d’un apport financier non négligeable qui équilibre des comptes d’exploitation tendus en raison d’une faiblesse des marchés du sciage (en volume et en prix) liée à l’atonie du secteur de la construction. La seconde : l’obligation d’évacuer les PCS en continu afin de ne pas bloquer tout le process de sciage. Sont intégrés, en effet, à l’organisation, les stocks abrités et positionnés à même le sol bétonné, d’écorces liées à l’écorçage automatique des entrants, de plaquettes liées au broyage et au fraisage, de sciures liées au passage des scies à ruban et circulaire.
Quel avenir pour les PCS ?
Avec un marché «pâte à papier» déclinant de plus de 5% par an selon certains scieurs, force est de constater que le marché «production d’énergie» est une alternative salutaire et une véritable bouée de sauvetage qui assure écoulement et revenu aux PCS. Un des scieurs enquêtés confirme les grosses disparités entre feuillus et résineux mais admet que «c’est un grand soulagement que ces produits partent et soient rémunérateurs».
Marché exponentiel, il n’en reste pas moins que l’élasticité des tarifs liée à la saisonnalité et à la fluctuation des stocks et donc des prix, rend difficilement prévisible la gestion financière des scieries. «On peut faire du moins, comme du plus", dit l’un des interviewés. "Avec les PCS, c’est l’inconnue totale au niveau des rémunérations. Les prix changent tout le temps. C’est un produit fatal où il est impossible de maîtriser la fluctuation des marchés». Une des solutions pour amortir les fluctuations est la possibilité de stocker de la matière sur une plate-forme collaborative comme c’est déjà le cas dans plusieurs regroupements de scieries.
Quel sera l’avenir pour le PCS ? Difficile de le prévoir, mais le schéma actuel de «guerre des prix» sur les PCS aurait plutôt profité aux scieries en termes économiques. De survie même pourrait-on dire car avec la fermeture, ces dernières années de cinq papeteries (fabricants de pâte à papier) et de deux fabricants de panneaux, quelle aurait été la solution d’écoulement des connexes si celle de la filière énergétique n’avait pas existée ?
Mais les tensions actuelles sur les PCS doivent pousser à réfléchir à de nouvelles pistes de valorisation : utilisation interne pour le chauffage d’un ou plusieurs séchoirs, cogénération pour les scieries industrielles, fabrication de panneaux, de briquettes, d’isolant, de compost… Pour les connexes destinés à l’énergie, le danger serait de devenir complètement tributaire d’un seul marché.
Avec l’instabilité du marché bois-énergie et la quasi-certitude que celui de la trituration va encore décroître, il y a l’impérieuse nécessité à réfléchir à d’autres marchés alternatifs où le matériau serait beaucoup mieux valorisé qu’en le brûlant. Certains scieurs parlent de la chimie verte. Ce serait tout de même plus valorisant que de brûler un matériau qui peut encore donner bien davantage que de la chaleur ou de l’électricité. «L’énergie devrait utiliser uniquement du bois en fin de cycle économique», assure un des scieurs enquêtés.
Une chose est certaine, en moins de dix ans, le bois déchet s’est anobli en produits destinés à des usages autrement plus valorisants que ceux de pourrir dans un coin de la scierie ou de servir à boucher des trous. Il a pris une valeur marchande qu’il n’avait pas avant. Nous n’en sommes très certainement qu’au début : gageons que la R&D engagée ici est là trouvera encore des solutions de développement.

De notre correspondant
Maurice Chalayer

Scierie

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